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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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guette le courrier. Excédée de la voir mariner comme un hareng, Ninon finit par secouer sa filleule :
    — Tu n’as rien à espérer de ce goujat. Qu’il se marie et qu’on n’en parle plus. Nous partons dans huit jours avec Antoine pour Villarceaux. Son père vient de perdre sa femme. Quand je pense qu’il n’a cessé de tromper cette pauvre Denise ! Elle avait quinze ans de plus que lui, mais elle était fortunée : ça attache !
    — Athénaïs n’a rien fait pour moi. C’est moi qui aurais dû épouser Charles !
    — N’aie aucun regret : chez ces gens-là, on cousine. Après l’été, cette aventure te fera rire…
    Deux mois sans voir Charles. Blanche se complaît dans de délicieux tourments. L’envie lui vient d’envoyer une lettre à Laure. Elle lui dirait : c’est moi qu’il aime, moi seule. La crainte de perdre sa dernière cartouche la retient. Un soir de cafard, elle se souvient qu’il reste deux messes noires à dire. Pourquoi ne pas tenter le Diable ? Si, après l’été, Charles ne change pas d’avis, elle avisera.
     
    Le manoir qui abrita les amours de Ninon et de Louis de Mornay, marquis de Villarceaux, se pelotonne dans une vallée verte et grasse près de Chaussy, dans le Vexin. Le soir de l’arrivée de Ninon, d’Antoine et de Blanche, Villarceaux, capitaine de la meute royale, exhibe le portrait de Françoise Scarron. Il l’a peinte en déesse grecque, le sein nu, le regard fixé sur l’horizon :
    — Je me suis représenté sous les traits de l’Amour. C’est moi ce petit ange qui tend une flèche. Le roi aime beaucoup cette toile. Je n’en suis pas mécontent.
    Sous la tonnelle, Ninon et son ancien payeur, devenus les meilleurs amis du monde, se délectent des amours du roi, père, le 4 août, d’un petit duc d’Anjou. Le marquis tire sur sa pipe :
    — Depuis que le Montespan a appris que sa femme était enceinte, il se répand dans les salons, tonne, peste. Les frasques du Gascon font les choux gras de la Cour.
    Alanguie sur une chaise à bascule, Blanche pose son bol de tisane :
    — Athénaïs attend un enfant du roi ?
    — Pauvre Montespan, c’est le plus grand cocu de France ! Le roi lui a volé sa femme. Comme au temps du droit de cuissage, s’indigne Antoine. Il a raison de crier au scandale.
    — Athénaïs aime Louis, proteste Blanche. Elle a le droit, non ?
    — C’est une ambitieuse. Ne sois pas bécasse ; cesse de défendre cette catin !
    Blanche hausse les épaules et quitte la terrasse.
    Le lendemain, chacun vaque à ses affaires. Blanche part en promenade, Villarceaux et son fils inspectent le domaine. Au souper, Antoine raconte avec force détails son voyage à Saint-Domingue sur La Couronne, le plus grand vaisseau du roi : mille huit cents tonneaux, soixante-douze canons, un millier d’hommes. En dévorant une tranche de gigot, Blanche se dit que son amitié pour l’officier de marine pourrait bien lui être précieuse.
    Deux jours plus tard, son frère, Guillaume, se joint à la compagnie. Il vient de s’établir à Paris, se spécialisant dans la défense des victimes de crimes en tout genre. Entourée des deux garçons, Blanche se sent protégée. Ils l’entraînent dans des parties de pêche, de cartes, des pique-niques. Le trio n’arrête pas. Toujours prêt à la laisser gagner, à la mettre en valeur, Antoine lui fait une cour discrète, constante. Blanche n’y est pas indifférente, même si elle le trouve un peu rustre, surtout dans sa manière de ressasser des anecdotes de potache. Plus subtil, Guillaume a la faconde fleurie. Pendant des heures, il évoque les histoires du Palais : procès interminables, chicaneaux, bandits arrêtés pour vols, viols ou meurtres.
     
    Le soleil chatouille les bords sablonneux d’un ruisseau. Blanche trempe ses pieds dans l’eau claire. Antoine taquine le goujon :
    — Attention, il ne faudrait pas que l’hameçon blesse tes jolies jambes.
    Pour toute réponse, elle l’éclabousse en riant. Antoine bondit, l’attrape par la taille, la jette dans les fougères. Blanche se débat :
    — Non, Antoine, non, je t’en prie !
    Antoine n’insiste pas. Bougon, il reprend sa canne à pêche. Blanche rajuste les plis de sa robe :
    — Que ce soit la première et la dernière fois.
    — Un de ces soirs, je te ferai oublier ton petit comte, la défie le chevalier.
     
    Mi-septembre, Blanche ne s’attarde pas à Paris. Par billet exprès, Marie-Thérèse la convoque

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