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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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ne tarde pas à venir admirer son domaine. La femme au grand cœur a demandé à son valet d’entrer au service de sa filleule. Blase se perd dans les salons :
    — Vous vivez dans un palais maintenant, mademoiselle.
    — Flattez-moi mon bon Blase ! J’ai l’intention de décorer mes appartements au goût du jour et de rafraîchir ces vieilleries ; vous m’aiderez.
    Ninon s’attendrit de revenir dans l’ancien refuge des Précieuses. Elles parlaient de l’amour, de l’amitié homme-femme, tentaient d’amadouer les bourrus par l’art de la conversation. Contre le mariage, pour la garde partagée des enfants, ces pionnières modernisèrent la langue. Aujourd’hui, le roi tient la noblesse sous ses fourches caudines. La liberté de ton des salons s’est perdue, se dit Ninon qui tient à rester une indécrottable libertine.
     
    Au cours de ses aménagements, Blanche s’aperçoit que les lieux n’ont pas été entièrement vidés. Ça et là, elle découvre des objets ayant appartenu à Mme de La Tour : un éventail abandonné sur le rebord d’une fenêtre, un drageoir couvert de poussière oublié sur une étagère, un tube d’onguent sec dans un buffet. Elle ouvre les tiroirs d’un cabinet : des plumes d’oie, des feuilles, un encrier… En fermant d’un coup sec, une trappe glisse. Elle enfonce sa main dans la cavité, tâtonne, saisit un paquet de lettres enrubannées de rose. Intriguée, elle ouvre la première, déchiffre le nom du destinataire : À Madame la comtesse de La Tour . Une écriture penchée, pointue, presque illisible :
    Mon amour,
    Depuis ma dernière visite, je me meurs de ne pas avoir de nouvelles de vous. Pourquoi ce silence ? Vous ai-je froissée ? Sont-ce mes origines qui vous chiffonnent ? Votre mari est-il au courant de notre relation ? Je me tourmente, je me lamente, je suis si loin de vous. J’aime mon pays, j’aime ma petite Émilie. Pour mon malheur, mon épouse ne cesse de me tracasser. Elle n’a jamais partagé ma passion pour les lettres, m’en veut de ne pas savoir faire fructifier notre seul bien, cette taverne que j’ai en horreur. Le mois prochain, je viendrai livrer mon vin ; j’espère de tout mon cœur que vous me recevrez. Sans vous, ma vie est une vallée de larmes.
    Paul Le Guilvinec, Paris, le 13 mars 1633.
    Blanche s’assied, la gorge nouée. Dans sa lettre testamentaire, sa mère lui a parlé des liens d’amitié entre son grand-père et Arsinoé. Elle ignorait tout de leur liaison, de la souffrance de son grand-père. Elle poursuit sa lecture.
    Mon amie,
    Tout est fini. Je m’en retourne au pays l’âme en peine. Je n’aurai jamais le bonheur de connaître mon fils puisque vous en avez décidé ainsi et que votre mari l’a reconnu. La marquise de Rambouillet m’a rabroué sèchement. Vous l’aviez sans doute informée de votre état et vous aviez raison. Je ne suis pas digne de vous, je ne souhaite qu’une chose : qu’un jour, vous preniez à votre service ma chère Émilie et qu’elle puisse bénéficier de vos lumières. J’emporte avec moi, les Essais de Montaigne qui nous ont unis.
    P. Le G., juin 1633.
    Les larmes aux yeux Blanche relit la lettre. Mon grand-père a eu un fils avec Mme de La Tour : il serait donc le frère de Charlotte de Bouillon. Est-ce la raison pour laquelle la Bouillon et Aglaé me détestent, se méfient de moi ? Il faudra que je trouve le passage où ma mère fait allusion à cette histoire. Pauvre grand-père ! Écarté, il s’en est retourné en Bretagne, la mort dans l’âme. Mon père, lui non plus, n’a pu profiter de moi, ni moi de lui. Comme nos histoires se répètent ou, plutôt, bégayent. Grâce au roi, je pourrai peut-être venger mon grand-père et moucher Aglaé.
    De crainte que quelqu’un ne découvre les lettres, Blanche les cache sous une grosse pierre posée sur une poutre dans le grenier.
     
    Un matin de juin, elle vaque faubourg Saint-Antoine avec l’intention de commander un de ces nouveaux fauteuils confortables dont Ninon a lancé la mode. Dans un lacis de ruelles pullulant d’artisans, gênée par la curieuse sensation que quelqu’un la suit, elle se retourne. Un homme en noir, la tête couverte d’une capuche, marche derrière elle. Elle presse le pas. S’arrête. Jette un coup d’œil. Il est toujours là. Elle tourne à droite, se met à courir. Plus moyen de fuir : elle est prisonnière au fond d’une impasse. Deux chiens galeux errent, la truffe

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