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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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dans le caniveau. L’homme avance masqué. Elle tambourine à un porche. Personne. Affolée, elle appelle au secours. Le brigand lui fait face. Ses yeux perçants la scrutent. Il sort de sa besace un couteau, pointe son arme vers sa gorge. Blanche voit sa dernière heure arriver. Prise d’un élan de survie, elle crache à la figure de l’inconnu, lui envoie un magistral coup de genou entre les jambes. L’homme se plie de douleur. Blanche en profite pour le repousser et cavaler jusqu’à chez elle.
    — Blase, Blase, j’ai été agressée, on a voulu me tuer.
    — Tout doux, belle dame, calmons-nous. Je ne vous laisserai plus jamais seul.
    Afin de ne pas inquiéter Ninon, Blanche lui cache son agression. Plus elle y pense, plus elle est persuadée que le crime auquel elle a échappé était prémédité, peut-être commandité. Elle ne peut s’empêcher de relier cette affaire à ses ennuis précédents : la visite du mystérieux homme de loi, l’article sous un faux nom… Qui peut bien lui en vouloir ? Aglaé, peut-être ? Pas forcément…
     
    Pendant l’été passé à l’ombre de la tonnelle de Villarceaux en compagnie de sa marraine, Blanche se remet de ses émotions. Françoise Scarron, venue quelques jours, est tout excitée. Bonne de Pons l’a chargée de prendre soin de la fille cachée d’Athénaïs. La marquise l’aurait choisie pour sa vertu, sa modestie, sa discrétion. Françoise devra protéger l’enfant des espions du Montespan.
    — Si j’accepte cette proposition, je me rends complice d’une passion coupable, se tortille-t-elle.
    — Vous êtes trop timorée, la taquine Ninon. Vous avez là une occasion inespérée de servir le roi. Si vous refusez, vous allez fâcher Athénaïs, vous risquez de perdre votre pension. Vous aimez les enfants, ils vous le rendent bien. Vous devriez accepter.
    — Les laver, les nourrir, les instruire ne me répugne pas. Vous avez raison : la Cour me changera les idées, s’épanouit Françoise.
    Blanche se raidit : il va falloir redoubler de vigilance. La Scarron est une sacrée donneuse de leçons.
     
    Au bord de la rivière, elle pense à Antoine, toujours en Nouvelle-France, à cet après-midi d’été où il la renversa dans les fougères. Il est libre, honnête homme. Il suffirait de presque rien pour se laisser aller à une vie douce, popote. Elle patauge dans l’eau verte. Charles lui manque. Depuis qu’elle l’a attendu devant l’hôtel de Condé à la Toussaint, un an a presque passé. Avant de s’endormir, elle caresse sa mèche duveteuse, des cheveux d’enfant. Les jours de pluie, elle pense au roi. À sa manière de faire l’amour. Lui revient la prédiction de la Voisin : « Vous serez aimée de trois hommes. »
    Pourquoi a-t-elle parlé d’un deuil ?

18
    Fin août 1669, Molière reprend L’Avare pour quelques représentations. Légère et court vêtue, Blanche file au théâtre. Jean-Baptiste est seul. Sa plume crisse. Il arrache une page, sursaute :
    — Ma mignonne ! Je travaille comme un damné. Les comédiens me harcèlent pour avoir une nouvelle pièce. Ils me reprochent d’avoir écrit Harpagon pour me mettre en valeur. Que de jalousies ! Et toi ? Tu étais à la Cour ? Tu reviens sur les planches ? Notre Marotte a besoin de repos. Comme je te l’ai proposé, tu la remplaceras dans le rôle de Dame Claude. Commence dès que tu es prête. À présent, j’ai du travail…
    Le soir même, Blanche assiste à L’Avare. Molière-Harpagon s’agite, scrute la foule, descend au parterre, fouille les poches des spectateurs, interpelle le balcon, rit, tousse, pleure, accuse :
    —  Au voleur ! Au voleur ! À l’assassin ! Au meurtrier…
    La Grange, Du Croisy, Armande, Madeleine, Hubert et Louis Béjart, le boiteux, sont épatants. Seule déception, Dame Claude n’a aucune réplique. Déterminée à exiger un rôle à sa mesure, Blanche rumine.
    Le lendemain, Poquelin est toujours au travail. Après une longue inspiration, Blanche l’apostrophe :
    — Bonjour Jean-Baptiste, votre avare vous rendra riche. Quelle réussite ! Vous m’aviez caché que Dame Claude était muette.
    — Comment oses-tu ? Tu es tombée malade, tu passes ton temps à la Cour : j’ai fait ce que j’ai pu. Ah ! Ces actrices ! Ma femme me trompe, Catherine veut qu’on parle d’elle… Il n’y a pas de petits rôles, ma fille ! Allez, je ne veux plus te voir pour l’instant.
    Blanche sort du théâtre en

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