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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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ses économies pour retarder la faillite de la troupe. Nous reprenons Pourceaugnac en fin de semaine…
    — C’est-à-dire… enfin…
    — Parle, ma fille. Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ? rit Molière.
    — Vous allez être très fâché. Racine m’a offert un rôle, avoue Blanche d’une petite voix.
    — Et tu l’as accepté. Ne te fais pas de bile : j’ai l’habitude. Je ne vais pas te mordre. Au fond, tu as raison : Racine monte, je décline, toussote Molière. Ton avenir est avec lui ; je te souhaite un grand succès. Reviens nous voir de temps en temps.
    Blanche baise ses mains et quitte le théâtre du Palais-Royal, une boule au ventre.
     
    Les répétitions de Britannicus se font plus intenses. Blanche s’oublie pour Albine. Elle s’habitue aux sautes d’humeur de Racine, à la prétention d’Hauteroche, la suffisance de Floridor. Un jour, elle surprend une conversation entre Suzanne des Œillets et Racine. D’une voix d’outre-tombe, Racine insiste pour que celle-ci ne lui parle plus jamais de la mort de Marquise. Suzanne connaît-elle la vérité ? Sa fille est-elle complice ?
     
    Le 13 décembre 1669, le soir de la première, le parterre frétille : murmures et chuchotements. Blanche a du mal à lacer sa robe de taffetas gris. Elle se sent nauséeuse, sans appétit ni entrain. Un goût amer dans le gosier, elle domine son malaise, s’attache à fixer Suzanne. L’envie de vomir la prend. Elle crache un peu de bile dans sa main, sue, halète, n’arrive plus à se souvenir de son texte : le trou !
    —  Il vous doit son amour , s’époumone le souffleur.
    Elle inspire, retrouve ses esprits. S’efforce de tenir, de ne pas perdre le fil. Acte II, Floridor apparaît en Narcisse. Indigné que le grand acteur ne tienne pas le rôle de Néron, le public tape du pied, injurie Racine, crie au scandale. Au long de la représentation, des spectateurs quittent le théâtre à grands renforts de remarques désobligeantes : « Languissant, trop long » ; « Distribution ratée » ; « Remboursez ». Rimailleurs et gazetiers affûtent leurs plumes. Seul dans sa loge, Corneille se frotte les mains. En coulisse, Racine fait les cent pas, écume :
    — Il n’y en a que pour les acteurs ! Mes vers passent en dernier. Ce vieux croulant de Corneille a osé venir ! Il va encore nous railler dans La Gazette . Je l’écraserai de mon talent et la postérité me donnera raison.
    Blanche n’a qu’une hâte : vomir. Elle se démaquille devant un miroir. Le reflet de Charles apparaît. Elle se retourne. Il lui ouvre les bras :
    — Ma chérie ! Quel exploit ! Tu es une grande, maintenant. Digne de notre regrettée Marquise Du Parc. Tu m’as épaté.
    La tête sur l’épaule du chevau-léger, Blanche tient à peine debout. Il pose de doux baisers sur son front.
    — Tu es revenu, dit-elle, à peine audible.
    — Je ne te quitterai plus, mon amour. Pardonne-moi.
    Charles la raccompagne sur T’en-fais-pas. Devant le porche de son hôtel, il passe son bras sur son épaule.
    — Je veux être sage, murmure-t-elle lui répétant la phrase qui l’a tant blessée.
    Charles la couve des yeux. Elle ne lui pose aucune question sur Laure. Elle n’en a pas la force. Il égrène des mots tendres. Elle a froid, tombe de sommeil, lâche un baiser du bout des lèvres. La porte claque.
     
    Réveillée par l’orage, Blanche se jette sur une tranche de brioche afin de calmer son mal au cœur. Blase lui tend une enveloppe. À l’intérieur, un mot sans nom :
    Tu n’es qu’une catin, si tu continues, tu sais ce que tu risques.
    Des gouttes de sueur perlent sur le front de la jeune fille :
    — Qui a déposé cette horreur ?
    — Un livreur, un p’tit gringalet, je ne sais plus…
    — Je suis menacée, Blase, j’ai peur.
    — Parlez-en à votre frère, il est toujours de bon conseil. En attendant, je vous accompagne partout.
    Quelqu’un sait que je suis la maîtresse du roi, quelqu’un nous a vus, s’angoisse Blanche. Elle se souvient de la silhouette apparue à Chambord : Aglaé, c’est elle. Elle me jalouse, elle craint aussi que je révèle leurs misérables secrets de famille.
    Chancelante, Blanche cache le billet au fond d’un tiroir et se rend chez M. Clément, le médecin de Ninon. Rue des Blancs-Manteaux, dans son cabinet au fond d’une cour, chapeau pointu, longue robe noire, Clément la palpe :
    — Vous êtes grosse d’au moins quatre mois,

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