La Révolution et la Guerre d’Espagne
échec à Madrid où l’on estime
généralement que la popularité du « vieux » à baissé. Or, le 17 octobre,
quand il prend la parole au cinéma Pardinas, les cinq plus grandes
salles qui retransmettent son discours regorgent de monde et la foule s’entasse
sur les trottoirs, autour des haut-parleurs. Il raconte ses démêlés avec les communistes,
la manière dont ils ont fait tomber son gouvernement, dénonce la coalition des
socialistes de droite et des communistes, l’emploi de l’autorité de l’État pour
le déloger du contrôle de l’U . G.T. Il critique férocement la politique
du gouvernement Negrin, sans proposer cependant une politique de rechange, sans
lancer aucun mot d’ordre. Son discours est celui d’un opposant loyal qui ne
menace en rien le régime [298] .
Il produit pourtant une impression énorme par l’écho qu’il rencontre. Le
gouvernement, effrayé, décide de l’empêcher de poursuivre : le 21, en
route pour Alicante, il est arrêté et ramené à Valence où il est gardé à vue à
son domicile. Sa seule protestation sera une lettre ouverte au président des
Cortes : il ne se bat plus. Le gouvernement, dès lors, exploite son avantage :
le 28 novembre, il reconnaît comme seule légitime l’autorité du Comité exécutif
dissident, celui que préside Gonzalez Peña. Le 30, il fait saisir La
Correspondencia de Valencia. L’exécutif Caballero, qui se préparait à convoquer
un congrès, est pratiquement mis hors la loi. Il reste alors à faire
sanctionner la nouvelle situation par la Fédération syndicale internationale.
Au début de janvier, Léon Jouhaux, secrétaire de la C.G.T. française, vient à
Valence au nom de la F.S.I. pour essayer de trouver une solution de
« compromis ». Il aboutit le 2 janvier : quatre caballeristes,
Diaz Alor, Zabalza, Tomas et Hernandez Zancajo entrent à l’exécutif présidé par
Gonzalez Peña. La « scission » de l’U.G.T. est terminée: il n’y aura
pas de congrès. Largo Caballero est définitivement battu, et ne jouera plus
aucun rôle dans la vie politique espagnole [299] .
Mise en place d’un appareil de répression
Le gouvernement Negrin, cependant, veille à mettre en place
le dispositif nécessaire à l’efficacité d’une éventuelle répression. Le
ministre de la Justice, Irujo, commence par réorganiser les Tribunaux
populaires, réservant par décret le droit de présentation des jurés aux seules
organisations légales à la date du 16 février. La F.A.I. était illégale et se
trouve ainsi exclue des Tribunaux populaires. Mais ceux-ci manifestent encore
trop d’indépendance et sont enclins à la mansuétude quand ils ont à juger des
accusés antifascistes. La liquidation totale de l’opposition exige un
instrument plus docile. Un décret du 23 juin 37 institue donc des tribunaux
spéciaux destinés à réprimer les crimes d’espionnage et de haute trahison. Ils
sont composés de trois juges civils et deux juges militaires, tous nommés par
le gouvernement. La définition du « délit d’espionnage et de haute
trahison » est suffisamment extensive pour permettre l’utilisation de
cette arme terrible contre tout opposant, même non fasciste... Sont, en effet,
considérés comme tels, le fait « d’accomplir des actes hostiles à la
République, au dehors ou à l’intérieur du territoire national », de
« défendre ou propager des nouvelles, émettre des jugements défavorables à
la marche des opérations de guerre ou au crédit et à l’autorité de la
République », les « actes ou manifestations tendant à affaiblir le moral
public, démoraliser l’armée ou diminuer la discipline collective ». Les
peines prévues vont de six ans d’internement à la peine de mort. Circonstance
aggravante, elles sont les mêmes pour le délit accompli que pour « la tentative
et le délit subissant un échec, la conspiration et la proposition, ainsi que la
complicité et la protection ». Le décret permet toutes les provocations et
donne à la police des pouvoirs discrétionnaires puisqu’il prévoit que
« seront exempts de peine ceux qui, après avoir donné leur accord pour
commettre un de ces délits, le dénonceraient aux autorités avant qu’il ne soit
accompli ».
C’est pratiquement interdire toute manifestation d’opposions
et toute critique. C’est donner au gouvernement la possibilité de condamner
pour « haute trahison » quiconque exprime un désaccord avec tout ou
partie de
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