La Révolution et la Guerre d’Espagne
mains toute entreprise métallurgique
ou minière. L’Economist écrira bientôt (26 février 1938) : « L’intervention
de l’État dans l’industrie allant à l’encontre de la collectivisation et du
contrôle ouvrier, rétablit le principe de la propriété privée » [304] . Agents de
maîtrise et directeurs reprennent leur place. L’État perçoit pour son compte
les dividendes des actions « saisies» aux factieux et paie ceux des
capitalistes étrangers.
La centralisation est telle que les autonomistes catalans et
les nationalistes basques quittent finalement le gouvernement [305] . L’armée
populaire se transforme définitivement en armée régulière de type traditionnel.
Le Code de justice militaire nouveau prévu par Largo Caballero n’a jamais vu le
jour et c’est l’ancien qui est en vigueur. Le gouvernement Negrin rétablit la
hiérarchie des soldes [306] .
Prieto interdit aux officiers « ouvriers » de dépasser le grade de
commandant. Il restreint les pouvoirs et diminue le nombre des commissaires
politiques [307] ,
interdit aux militaires toute participation à des manifestations politiques (5
oct. 37). On voit renaître l’esprit de caste des officiers et Winston Churchill
peut écrire:
« Au cours de l’année écoulée, le caractère du gouvernement
républicain espagnol s’est nettement modifié dans le sens d’un mouvement
simultané vers un système militaire et gouvernemental plus ordonné... Les
anarchistes ont été mis à la raison par le fer et par le feu... On a formé une
armée qui possède de la cohésion, une organisation stricte et une hiérarchie de
commandements... Quand, dans quelque pays que ce soit, toute la structure de la
civilisation et de la vie sociale est détruite, l’État ne peut se reconstituer
que dans un cadre militaire... Dans sa nouvelle armée,... la République
espagnole possède un instrument dont la signification n’est pas seulement
militaire, mais politique... »
Le leader conservateur anglais conclut : « Les deux partis
ont progressé de façon continue vers une expression cohérente de l’état d’esprit
espagnol. N’est-ce pas le moment pour tous les vrais amis de l’Espagne de faire
tous les efforts pour amener une pacification ? » [308] . Dans un article
retentissant qui dresse le bilan de l’action de Negrin au 8 novembre 37, le Times peut écrire : « Deux nouveaux facteurs sont en train de prendre
de l’importance : l’un concerne le caractère de la révolution, l’autre le
caractère de la guerre. Le premier consiste dans une ferme réaction contre la
violence d’en bas ; le deuxième consiste dans l’action en profondeur et en
largeur de cette aspiration à l’indépendance qui est un des sentiments latents
les plus forts du caractère national espagnol. Le premier, s’il va assez loin,
changera le caractère de la révolution ; le deuxième, s’il aboutit à sa
conclusion logique, doit finir par souder intimement les uns aux autres les
partis opposés à l’heure actuelle de l’Espagne gouvernementale. »
Gouvernement de la « victoire » comme dit le parti
communiste, ou gouvernement de la « réconciliation nationale » comme le
souhaitent les conservateurs anglais ? Une page, en tout cas, est tournée.
Quand, le 1 er octobre 1937, les Cortes se réunissent à nouveau,
Caballero est absent, et bien entendu, il n’y a aucun dirigeant
anarchiste : ils n’étaient, en février 36, ni candidats, ni élus. Mais le
conservateur Miguel Maura est là, et aussi Portela Valladares, revenu de France
où il s’était réfugié, et qui proclame sa joie de voir « l’Espagne marcher vers
une reconstruction sérieuse et profonde ». Quand, une semaine après, la
presse franquiste, pour le discréditer, rendra publiques ses offres de service
à la « cause nationale », il n’y aura pas grand-chose à répondre du coté
républicain : la « respectabilité » se paie. Les attaques de la
presse de la C.N.T. contre Maura et Valladares sont censurées, comme le
discours du vieux Pestaña dénonçant l’emprise communiste et le recul de la
révolution.
Celle-ci, en fait, est terminée. L’État est restauré. Un
militaire qui a « maltraité par la parole » un supérieur dans le
service risque la peine de mort. Les ouvriers dans les usines travaillent sous
la stricte discipline de la « militarisation ». Deux galeries et
demie sur six, au Carcel modelo de Barcelone, sont réservées aux
Weitere Kostenlose Bücher