La Révolution et la Guerre d’Espagne
la
réunion officielle des nouvelles Cortes, fait approuver par la Députation
permanente la remise en fonctions des conseils municipaux révoqués pendant le bienio
negro , la nomination de nouveaux gouverneurs civils dans tout le pays et, surtout,
la loi d’amnistie. Le statut de l’autonomie catalane est remis en vigueur et
Campanys fait, de Madrid à Barcelone, un voyage de retour triomphal... Tandis
que les ouvriers des Asturies quittent les prisons, on arrête l’exécuteur de la
répression contre eux, le général Lopez Ochoa. La réforme agraire est remise en
chantier, un statut de l’autonomie basque est étudié.
Dans les Cortes, dont chaque séance tourne désormais au
pugilat, le gouvernement républicain s’efforce de faire passer les réformes sociales
qui lui semblent propres à satisfaire et à apaiser la vague de revendications
populaires qui s’étend tous les jours, en surface comme en profondeur.
Une situation révolutionnaire
Dès le lendemain des élections, de puissantes manifestations
de masses ont, sans attendre la signature du décret d’amnistie, ouvert les
prisons et libéré les ouvriers détenus depuis 1934. Dès le 17 février, on
signale l’ouverture de la prison de Valence par des manifestants de la C.N.T.
et la libération des condamnés de 1934, plusieurs centaines de
« libérations » à Oviedo même, plusieurs milliers dans toute l’Espagne.
Dès le surlendemain commencent dans tout le pays des grèves pour la
réintégration immédiate des condamnés ou des licenciés, le paiement de leur
salaire à tous les ouvriers détenus pendant le bienio negro, des
augmentations de salaires, le renvoi de tel ou tel agent de maîtrise, l’amélioration
des conditions de travail. A ces grèves corporatives s’ajoutent des grèves plus
politiques, des grèves de solidarité, des grèves générales, locales ou
régionales. Certains conflits s’éternisent et en entraînent d’autres. Les
patrons ripostent par le lock-out, et la lutte se fait plus âpre.
La situation est véritablement révolutionnaire à la
campagne. Le Front populaire avait parlé de réforme agraire à des paysans
avides de terre : comme l’écrit l’ambassadeur Bowers, « les paysans, êtres
simples et frustes, avaient cru que sa victoire aux élections suffisait pour
que cela fût chose faite » [54] .
Dès la fin de février dans les provinces de Badajoz et Caceres, puis au cours
des mois suivants dans l’Estramadure, l’Andalousie, la Castille et même la
Navarre se multiplient les asentamientos. Les terres d’ Alcala Zamora
sont occupées en avril, de même que celles du duc d’Albuquerque. Les paysans s’installent
sur les domaines des grands propriétaires et commencent à les cultiver pour
leur propre compte. Très souvent éclatent des incidents sanglants entre paysans
et gardes civils. Le plus grave sera celui de Veste, près d’Alicante, où la
garde civile intervient et arrête six paysans qui ont commencé à abattre les
arbres des propriétés seigneuriales. Exaspérés, les paysans de Veste, armés de
fourches, de gourdins, de pierres, attaquent les gardes qui emmènent leurs
camarades. Dans la fusillade qui s’ensuit, dix-huit paysans sont tués.
Villes et campagnes se trouvent ainsi plongées dans une
atmosphère de violence : on signale un peu partout des incendies d’églises
ou de couvents à la suite de manifestations de rues ou de rumeurs circulant sur
un « complot » de moines. Il n’y a aucun doute : l’ordre établi et la
propriété sont menacés...
Le rôle de Caballero
De plus en plus, Largo Caballero apparaît comme l’homme de
la révolu!ion qui monte. Depuis le 6 avril, il a son Journal, Claridad ,un quotidien du soir, brillamment rédigé par une excellente équipe de
jeunes intellectuels. Il a ses troupes de choc, les Jeunesses socialistes. Le 1 er mai, lors du grand défilé ouvrier, dans ce que Claridad a appelé la
parade de « la grande armée des travailleurs dans sa marche en avant vers
le sommet proche du pouvoir », les J.S. en uniforme, et le poing levé, ont
scandé des mots d’ordre pour un « Gouvernement ouvrier » et pour une
« Armée rouge ». Caballero multiplie les avances à la C.N.T. et prend la
parole à Saragosse lors d’un grand meeting à l’occasion de son congrès. Claridad entretient la ferveur révolutionnaire de ses partisans, prédit le triomphe
inéluctable et proche du socialisme. Dans chaque discours, dans chaque
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