La Révolution et la Guerre d’Espagne
approbation et permettra
une véritable mobilisation populaire : celle de l’amnistie totale pour les
insurgés de 34, de la réintégration avec indemnisation de tous les travailleurs
chassés de leur emploi. C’est par le souci de faire libérer d’abord les 30 000
ouvriers encore emprisonnés et de faire en même temps approuver leur geste
révolutionnaire que les amis de Caballero et le P.O.U.M. – tenants de l’Alliance
ouvrière – justifient leur adhésion au Front populaire : ils ne veulent y voir
qu’une alliance électorale sans lendemain. C’est ce souci en tout cas qui
explique le vote massif des ouvriers pour un programme peu susceptible par
ailleurs de les mobiliser. C’est lui qui explique enfin le changement d’attitude
des anarchistes. La C.N.T. et la F.A.I. sont, certes, toujours hostiles aux
luttes électorales et, de même que les syndicats de l’opposition se tiennent à
l’écart du Front populaire et de la campagne électorale proprement dite, pour
la première fois cependant, elles s’abstiennent de lancer leur habituel mot d’ordre
de No votad, de boycottage des élections [52] . Les observateurs
estiment à un million et demi le nombre des voix habituellement perdues par
suite des campagnes anarchistes qui se sont, en février 36, portées sur les
listes du Front populaire pour obtenir la libération des prisonniers de 34.
Résultat des élections
Ce sont ces voix qui firent sans doute pencher la balance.
Le 16 février, le Front populaire l’emporte avec 4 206 156 voix
contre 3 783 601 à la coalition des droites et 681 447 au
centre, chiffres qui, après des opérations de révision rondement menées à la
Chambre, deviendront respectivement 4 838 449, 3 996 931 et
449 320 sur 11 millions d’inscrits et 9,5 millions de votants.
Le Front populaire obtient donc une majorité assez mince qui
se traduit pourtant dans les Cortes par une écrasante supériorité numérique des
députés élus sous son égide : ils sont 277 contre 132 de droite et 32 du
centre. La loi électorale qui avantage la majorité joue ici en faveur de la
gauche : la droite qui a gagné des voix sur 1933 en a moins gagné que les
partis coalisés dans le Front populaire, et elle perd plus de la moitié de ses
sièges. Dans une compétition aussi serrée, il était fatal que s’élèvent d’âpres
contestations sur les pressions et les falsifications. Aucune des parties ne s’en
est privée : il est certes indubitable que bien des bourgeois ont dû
hésiter à voter dans certains quartiers prolétariens, mais il est avéré que
bien des villages n’ont voté pour la droite que sous la menace directe de la
police ou sous le chantage au chômage des grands propriétaires. L’historien n’a
aucune conclusion supplémentaire à tirer de ces querelles.
L’important, quelle que soit l’appréciation que l’on porte
sur la validité de ces élections, est qu’elles transformaient profondément la
physionomie des Cortes et plus profondément encore l’atmosphère politique du
pays.
Contrairement aux espérances du président de la République,
les élections sont une cinglante défaite pour le centre et le centre droit. Des
hommes politiques comme Lerroux et Cambo ne sont pas réélus : les radicaux
de Lerroux ne sont plus que 6 et le groupe du centre le plus important, celui
que dirige Portela Valladares, le président du Conseil sortant, ne compte que
14 députés. La C.E.D.A. forme encore un bloc solide avec 86 élus, que
rejoindront presque toujours les 13 agrariens. Goicoechea a été battu, et c’est
Calvo Sotelo qui devient le porte-parole de l’extrêmedroite, ou la Rénovation
espagnole compte 11 députés seulement.
Il n’y a aucun moyen de connaître la part des votes qui
reviennent à chaque parti dans le total de ceux qui se sont portés sur les
listes du Front populaire. Le nombre des élus de ces listes dépend en effet
simplement, non des voix qui se sont portées sur des listes de coalition, mais
des accords passés entre organisations lors de l’établissement des listes. La
Gauche républicaine d’Azaña a 84 députés, l’Union républicaine de Martinez
Barrio 37, l’Esquerra catalane de Companys 38. Les socialistes ont 90 élus, les
communistes 16, le P.O.U.M. 1, son secrétaire général Maurin, le parti
syndicaliste 1, le vieux Pestaña.
Les lendemains de l’élection
Les lendemains d’élections sont marqués par des mouvements
divers : enthousiasme,
Weitere Kostenlose Bücher