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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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mais aussi crainte chez les vainqueurs, panique ou
révolte chez les vaincus. Ils voient se répandre les rumeurs le plus diverses :
à droite, on parle d’un soulèvement armé des « marxistes » ou des
anarchistes, à gauche, on dénonce les préparatifs du coup d’État militaire.
Rien de tout cela n’est sans fondement : l’agitation populaire semble
confirmer les dires des premiers et Portela Valladares révèlera plus tard que
le général Franco lui avait offert l’appui de l’armée pour annuler les
élections.
    Portela Valladares juge en tout cas la situation
suffisamment délicate pour remettre sans attendre sa démission et conseiller au
président de faire appel, pour le remplacer, à l’un des dirigeants du Front
populaire. Azaña forme aussitôt le nouveau gouvernement, composé de
républicains bourgeois et que les partis ouvriers soutiennent sans en faire
partie. Le refus socialiste de participer – surprenant au premier abord après
le précédent de 1931 – s’explique par la crise interne du parti et la lutte qui
s’y déroule entre partisans de Caballero et de Prieto. Caballero et ses amis n’ont
pu, en décembre 35, empêcher le parti socialiste de suivre Prieto dans sa politique
d’alliance avec les partis bourgeois dans le cadre du Front populaire. Mais ils
lui ont fait rejeter a priori toute alliance durable, limitant le pacte à une
simple coalition électorale ne les engageant pas au-delà. Au lendemain du 16
février, Prieto se prononce de nouveau pour un gouvernement à l’image du Front
populaire, comprenant des républicains et des socialistes. Caballero, qui s’est
juré de ne plus jamais recommencer l’expérience de 1931 et ne plus jamais
participer à un gouvernement de coalition avec les Républicains, rétorque que
le programme du Front populaire étant un programme bourgeois, il appartient aux
seuls républicains bourgeois de l’appliquer, les socialistes n’ayant pas le
droit d’appliquer un autre programme que le leur : tout au plus
peuvent-ils soutenir loyalement de leurs votes le nouveau gouvernement Azaña.
Et, sur ce point, Largo Caballero l’emporte.
    C’est la même attitude que le parti socialiste prendra, en
mai, vis-à-vis du nouveau gouvernement Casares Quiroga. L’un des premiers actes
importants de la législature est en effet la déposition du président de la
République, Alcala Zamora et son remplacement par Azaña. Le mandat du président
n’expirait qu’à la fin de l’année, mais la majorité du Front populaire,
désireuse de se prémunir contre tout risque de dissolution prématurée ou tout
appui éventuellement donné par le premier magistrat à un coup d’État militaire,
lance contre lui la seule accusation qui lui permette de le déposer
constitutionnellement en l’affirmant coupable d’avoir dissous les Cortes sans
raison. La droite, qui a de bonnes raisons d’en vouloir à Alcala Zamora, s’abstient.
Le président est déposé. Bien des observateurs s’étonneront qu’Azaña consente à
laisser poser sa candidature. Le rôle joué par Prieto dans l’opération suggère
qu’il s’agissait probablement de la réalisation d’un plan destiné à forcer la
main aux socialistes : Azaña, devenu président de la République, aurait pu, à
plus ou moins bref délai, être remplacé à la tête du gouvernement par Prieto [53] . Il obtient en
tout cas une confortable majorité, avec 6 opposants seulement, la C.E.D.A. s’abstenant.
Sa présence à la tête de l’État peut en effet sembler constituer une double
garantie, contre la réaction aussi bien que contre la révolution. Il est trop
engagé pour devenir le complice éventuel d’un coup d’État, trop attaché au
libéralisme économique et politique pour se faire un jour le fourrier de la
révolution. Bref, il peut passer pour le centre de ralliement et le symbole de
tous les Espagnols qui espèrent encore éviter la guerre civile.
    Dès le lendemain des élections, dans son premier discours,
il a appelé à l’union, pour la « défense de la République », «
républicains et non républicains, et tous ceux qui mettent avant tout l’amour
de la patrie, la discipline et le respect de l’autorité constituée ». Mais
cet appel aux partisans de l’ordre s’est accompagné de mesures non équivoques
destinées à apaiser l’agitation populaire. Il promet la « réparation des
atrocités commises par les fonctionnaires publics » et, sans attendre

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