La Révolution et la Guerre d’Espagne
cadavres.
Au début de l’après-midi, le colonel Escobar, de la garde
civile – le colonel Ximenes de L’Espoir d’André Malraux – apporte aux
ouvriers le renfort de 4 000 soldats de métier. L’hôtel Colon est emporté et l’hôtel
Ritz tombe aussitôt après. C’est à ce moment qu’arrivent les nouvelles du
ralliement à « la cause du peuple » de plusieurs unités, et de la
victoire, à l’aérodrome de Prat, des forces loyales que dirige un officier
républicain, le lieutenant-colonel Diaz Sandino. Les hommes de la C.N.T.
reprennent le central téléphonique. Les combats continuent, mais l’insurrection
a reçu des coups terribles et, de plus en plus fréquemment, les soldats, ici ou
là, se mutinent.
Dans la matinée du lundi 20, des canons sortis d’on ne sait
où, pris d’assaut ou livrés par des soldats, sont mis en batterie devant la Capitania
general. Officier improvisé, un ancien artilleur, le docker Lecha, commande
le bombardement. La résistance semble inutile : le général Goded fait hisser le
drapeau blanc au moment où les assaillants que commande un ancien officier,
Perez Farras, pénètrent dans l’immeuble. La plupart des officiers assiéges sont
massacrés sur place, Goded, soustrait à grand-peine à la fureur populaire [76] , est conduit à la
Généralité où, sur la demande du Président, il consent à faire à la radio une
déclaration : « J’informe le peuple espagnol que le sort m’a été
contraire. Je suis prisonnier. Je le dis pour tous ceux qui ne veulent pas
continuer la lutte. Ils sont désormais déliés de tout engagement envers
moi » [77] .
Désormais, la partie est jouée. Dans de nombreuses casernes,
les soldats se mutinent. Au fort de Montjuich, ce sont eux qui, après avoir
fusillé leurs officiers, distribuent les armes aux ouvriers. Ailleurs les
officiers préfèrent se donner la mort. La caserne d’Atarazanas sera la dernière
à tomber. On la bombarde avec les quelques avions dont dispose Diaz Sandino,
mais elle est finalement prise dans un assaut où Francisco Ascaso trouve la
mort. Longtemps encore, avant de partir pour le front, les combattants
défileront à l’endroit où est tombé le militant anarchiste, symbole de tous
ceux qui ont donné leur vie pendant ces trois journées.
Echec du « movimiento » : la Flotte
Dès le 18, à Madrid, la C.N.T., sur pied de guerre depuis
que le bâtiment est en grève, décide de rouvrir de force ses locaux fermés par
la police, commence la réquisition des autos et la recherche des armes. David
Antona, secrétaire de son Comité national, est libéré le 19 au matin ; il
se rend au ministère de l’Intérieur, menace de lancer ses hommes à l’assaut des
prisons pour faire libérer les militants qui y sont encore emprisonnés. Les
deux grandes centrales lancent l’ordre de grève générale. Au local de l’U.G.T.,
Carlos de Baraibar organise en toute hâte un réseau de renseignements à l’aide
des postiers et des cheminots du pays tout entier et qui permettra à Madrid de
connaître, minute par minute, la situation exacte dans les provinces. Les
socialistes ont déterré et distribué les armes conservées clandestinement
depuis 1934. Dans les rues, les premières barricades s’élèvent. Les premiers
coups de feu sont échangés avec des inconnus qui tirent d’un couvent, rue de
Torrijos. Les premières milices ouvrières patrouillent déjà, que rien n’a
encore bougé dans les casernes !
Les militaires, en effet, perdent un temps précieux. Dans la
journée du 19, aucune attaque ne viendra de régiments pourtant entièrement
contrôlés par les conspirateurs. Le régiment du Pardo s’est soulevé et a immédiatement
quitté la capitale en direction du nord, sans doute à la rencontre de Mola. A
Getafe, on se bat dans la caserne des artilleurs entre rebelles et
« loyalistes ». Dans toutes les unités, les rebelles s’en sont d’abord
pris aux officiers hostiles au Movimiento : ainsi est assassiné le
lieutenant-colonel Carratala, ami personnel de Prieto. Le bastion des rebelles
est à la caserne de la Montana ; là se trouve le chef militaire de la
conjuration, le général Fanjul, autour duquel se sont rassemblés des officiers
d’autres unités, des señoritos et les phalangistes. Mais
– hésitation ou attente des renforts – Fanjul perd du temps : il
harangue ses fidèles, proclame l’état de siège. A la fin de la journée,
renonçant à une sortie, il
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