La Révolution et la Guerre d’Espagne
été
identique à la leur. Partout commandent des Comités de marins qui, après avoir
exécuté la majeure partie des officiers contraignent ceux qui restent à remplir
leur service sous leurs ordres. Au lieu d’assurer la liaison et l’arrivée de
renforts du Maroc dans la péninsule, les navires de guerre les empêchent d’arriver.
L’action des marins, bousculant sérieusement le plan des généraux, apparaît
ainsi comme l’un des événements les plus importants des journées du soulèvement [74] .
Défaite du « movimiento » :Barcelone
C’est à Barcelone que les militaires subissent leur plus
grave défaite, infligée par les ouvriers catalans, aidés, il est vrai, par l’appoint,
au moment décisif, d’une partie de la garde civile et de la garde d’assaut.
Ainsi, ce sont les ouvriers qui sortent vainqueurs des journées de combat alors
même que la bourgeoisie républicaine, du fait de son autonomisme, a pris ici
une attitude plus résolument hostile aux militaires que dans le reste de l’Espagne.
Dans les jours précédents, les dirigeants de la C.N.T. ont
en effet maintenu un contact presque permanent avec le gouvernement de la
Généralité et les dirigeants de l’Esquerra : le dirigeant anarchiste D.A.
de Santillan pourra évoquer, plus tard, « les nuits passées au ministère
de l’Intérieur ». Ils n’ont pas cependant obtenu les armes qu’ils
réclamaient. Santillan, qui avait demandé qu’on accordât, ne fût-ce que mille
fusils, aux hommes de la C.N.T., écrit : « Les mille fusils ne nous furent
pas donnés ; au contraire, on nous enleva une partie de ceux dont nos
hommes s’étaient emparés » [75] .
Dans l’après-midi du 18, les militants se sont emparés de tout ce qu’ils ont
trouvé, armes de chasse dans les magasins, dynamite sur les chantiers. La nuit
du 18 au 19 des groupes de dockers anarchistes raflent toutes les armes sur les
bateaux, dans le port. Des responsables, Durruti, Garcia Oliver, n’hésitent pas
à intervenir personnellement au risque de ce se faire lyncher par leurs propres
partisans, pour éviter tout incident entre la police et les ouvriers, allant
jusqu’à accepter de rendre une partie des armes saisies par les dockers.
Cependant, des gardes d’assaut distribuent à des groupes d’ouvriers
des armes prises aux râteliers de leurs casernes. Jour et nuit, les ouvriers
montent la garde autour de leurs locaux et de leurs permanences.
Le plan des insurgés que doit diriger Goded, venu en avion
de Majorque et qui fera arrêter aussitôt les officiers républicains, a été
minutieusement appliqué. Depuis plusieurs semaines, la garde d’assaut a vu
affluer de jeunes engagés volontaires, señoritos et phalangistes. Les 12
000 hommes des casernes doivent au signal converger vers la place de Catalogne,
au centre de la ville. Le 19. A l’aube, les troupes de la caserne de Pedralbes
se mettent en marche. Dans toute la ville, après une nouvelle nuit de veille,
les ouvriers, munis d’un armement de fortune, les attendent. Les unités de la
caserne Atarazanas, celles qui occupent le gouvernement militaire et la Capitania
general restent, pour l’instant, dans leurs bâtiments.
Mais, pour les ouvriers barcelonais, qui sont le nombre, c’est
le moment – longtemps appréhendé, finalement désiré et espéré – du règlement de
comptes. De Barceloneta, des quartiers du port, ils accourent pour barrer la
route aux insurgés. Mal armés, quand ils ne sont pas les mains nues, sans
direction centralisée, ils ne connaissent qu’une tactique, qui consiste à se
ruer en avant, et subissent de lourdes pertes. Mais les morts et les blessés
sont aussitôt remplacés et les soldats submergés par la foule. Les militants
ouvriers sont au premier rang, et tombent par dizaines. Le secrétaire de la
J.S.U. catalane, Francisco Graells, celui des Jeunesses du P.O.U.M., Germinal
Vidal, le secrétaire des groupes anarchistes de Barcelone, Enrique Obregon,
tombent place de Catalogne où les insurgés occupent les immeubles les plus
importants, l’hôtel Colon, le central téléphonique, l’Eldorado. Là ils vont
être véritablement assiégés : le courage est aussi contagieux que la peur
et les calculs des militaires de métier s’effondrent devant une foule qui ne
craint pas la mort, devant ces masses qui se lancent à découvert sous le feu
des mitrailleuses et s’en emparent, laissant sur les places et dans les rues
des centaines de
Weitere Kostenlose Bücher