La Révolution et la Guerre d’Espagne
dans ses troupes les
phalangistes et señoritos. Le gouverneur supplie les dirigeants ouvriers
de ne pas troubler l’ordre, refuse d’armer les travailleurs, prêche le calme.
Sur ses instances, les dirigeants de la C.N.T. invitent les ouvriers à rentrer
chez eux. Et le 19 au matin, une armée épurée et renforcée par des militants de
droite et la garde civile occupe la capitale de l’Aragon, installe canons et
mitrailleuses en batterie. La radio affirme : « Nous ne marchons pas contre la
République. Travailleurs, vos revendications seront respectées. » Le bruit
continue à circuler, habilement entretenu, que Cabanellas « marche contre
les fascistes ».
Ici aussi, les dirigeants ouvriers ne prennent conscience de
ce qui leur arrive que lorsque la police commence à arrêter les leurs. Le 19
dans la journée, C.N.T. et U.G.T. lancent l’ordre de grève générale, tentent,
dans les faubourgs, où les troupes n’ont pas osé pénétrer, d’organiser la
résistance armée. Les gardes civils attaquent une concentration organisée par
les Jeunesses libertaires et lui infligent de lourdes pertes. Il faudra
pourtant plus d’une semaine pour venir à bout de la grève générale dont les
dirigeants ouvriers, sous la torture, se refusent à rapporter l’ordre. L’un des
dirigeants de la C.N.T. de Saragosse, Chueca, reconnaîtra la naïveté des
dirigeants syndicaux qui ont perdu leur temps en palabres et même donné foi aux
promesses du gouverneur, qui n’ont pas su prévoir « quelque chose de plus
efficace que les trente mille ouvriers organisés dans les syndicats de
Saragosse » [73] .
Presque tout l’Aragon, au cours de ces journées, est tombé aux mains des
rebelles.
Un succès
inattendu : Oviedo
Les plans de Mola n’avaient pas envisagé le succès à Oviedo,
au cœur des Asturies ouvrières où militants socialistes et
anarcho-syndicalistes ont une solide tradition de combat, une expérience de la
lutte armée, des cadres entraînés, quelques armes. C’est une édition spéciale,
non soumise à la censure, du journal caballeriste Avance qui, dès l’après-midi
du 18, annonce le soulèvement. Immédiatement, les mineurs se rassemblent dans
leurs locaux syndicaux, improvisent des unités, déterrent les armes cachées
depuis octobre 34. Sous leur pression, partis et syndicats constituent un
Comité provincial qui se charge de seconder et de contrôler l’action du
gouverneur Liarte Lausin dont certains suspectent la loyauté.
Le colonel Aranda, chef de la garnison, s’empresse de
rassurer les dirigeants ouvriers et républicains : il se proclame fidèle à la
République, désavoue solennellement les factieux. La veille, pourtant, il a
fait transporter dans les casernes toutes les armes disponibles et donné en
secret l’ordre à la garde civile de la province de marcher sur Oviedo. Mais on
l’ignore – et on lui fait confiance. Mieux, lorsque, de Madrid menacée,
viennent des demandes de renfort, les dirigeants socialistes acceptent, sur sa
suggestion, de former trois colonnes de mineurs et de les envoyer, par le
train, vers la capitale. Seize cents jeunes gens à Sama de Langreo, plusieurs
centaines à Mieres rejoignent la troupe des dinamiteros d’Oviedo... Sur
ces 3 000 hommes, que commandent des officiers asaltos ,400
à peine ont des armes à feu, fusils et carabines. A Leon, le général Gomez
Caminero leur fait distribuer 300 fusils. Le renfort, pour Madrid est d’importance,
mais Oviedo a perdu sa garde ouvrière.
Malgré l’optimisme des dirigeants socialistes, l’inquiétude
grandit. Aranda, en effet, a consigné les soldats dans les casernes dont les
sentinelles défendent les abords. On les sait armés, alors que les rares armes
aux mains des mineurs ont pris la route de Madrid. Le Comité provincial se
divise : républicains et socialistes de droite continuent à faire confiance au
colonel. Mais les dirigeants de la C.N.T. savent qu’il a fait transporter les
armes dans les casernes ; avec les communistes et les socialistes de gauche
groupés autour de Javier Bueno, le directeur d’ Avance, ils refusent de
prolonger un jeu, à leurs yeux dangereux. Ils exigent d’Aranda la preuve de sa
loyauté : la distribution aux milices ouvrières des armes stockées, l’ouverture
des casernes, l’amalgame entre soldats et ouvriers armés. Aranda tergiverse.
Gonzalez Peña le supplie de donner un gage aux extrémistes, se couvre de l’autorité
de Prieto pour obtenir la
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