La rose de Raby
peut-être enduit le visage et les mains de graisse, et s'est mâchurée avec de la cendre et de la poussière. Elle a pris la nourriture...
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Mais elle aurait été froide, interrompit Clitheroe. Je m'enorgueillis de servir des repas chauds.
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Il y a un brasero dans chaque chambre, n'est-ce pas ? On pouvait garder l'assiette au chaud en la posant dessus.
Clitheroe en convint.
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Qui plus est, continua Kathryn, notre jeune meurtrière ne perd pas de temps. Elle n'a pas le choix. Elle prend le plateau, y pose une assiette de nourriture, le verre et le petit pichet qu'elle remplit d'un vin dans lequel elle a mélangé une potion soporifique...
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Et elle descend le tout, c'est cela? interrogea Colum.
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Mafiach ouvre la porte et ne voit qu'une jeune souillon avec son souper, un pichet de vin et un verre. Il commet alors sa seule et unique erreur, mais ce sera la dernière. Il n'a sans doute prêté aucune attention à la fille. Il est sur le qui-vive, le danger ne peut venir que d'un assassin, d'un tueur à gages, pas d'une fille d'auberge sale et barbouillée, pauvrement vêtue, qui lui apporte son dîner. Il a la tête ailleurs. Il a commandé à manger, et on le lui monte. Il s'assied, se restaure de bon appétit et boit un verre de vin. Beaucoup de potions soporifiques sont inodores et sans saveur. Mafiach est las, aussi desserre-t-il ses vêtements pour s'allonger sur le lit.
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Comment donc l'assassin s'est-il introduit dans la pièce? demanda Clitheroe avec un regard plein d'admiration pour Kathryn. Ce que vous dites est possible : les bonnes et les servantes montent ces escaliers tout le temps.
Elles travaillent beaucoup, sont fatiguées et, de ce fait, ne s'intéressent pas les unes aux autres.
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Le jour tombe, poursuivit Kathryn, décidée à démontrer sa théorie. Oui, il fallait qu'il fasse nuit. Les clients s'en vont, l'auberge est silencieuse et la cour, déserte. Notre assassin a pris la chambre au-dessus de celle de Mafiach.
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Comment savait-il laquelle il occuperait? interrogea Colum.
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Il ne le savait pas, intervint Clitheroe. Mainte nant, je me souviens ! Le marchand a demandé deux chambres au dernier étage. Il a dit que sa femme voulait être seule. Elle jouait à la grande dame.
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Voici donc ce marchand et sa femme qui prennent deux chambres au dernier étage, reprit Kathryn. À l'arrivée de Mafiach, ils découvrent laquelle il occupe. Voilà un moment qu'ils observent l'auberge, et c'est la seule chose dont ils ont à s'assurer.
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Je ne suis pas d'accord! s'exclama Colum en posant brutalement son bol sur la table. Pourquoi ne pas le poignarder dans l'escalier?
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C'eût été trop dangereux, répliqua Kathryn. Il fallait perpétrer ce meurtre à l'abri des regards. Les assassins avaient besoin de temps pour fouiller la chambre de Mafiach, et pour prendre la fuite sans éveiller les soupçons ni donner l'alarme.
L'Irlandais en convint.
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Quoi qu'il en soit, poursuivit Kathryn, Mafiach était désormais complètement endormi.
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Comment les meurtriers le savaient-ils ? la coupa Colum.
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Pour qui vous prenez-vous? s'exclama-t-elle, exaspérée. Un avocat?
Sur quoi, elle poussa un soupir.
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Excusez-moi, mais c'est l'évidence. Ils auront pris un bâton et frappé aux volets. Si Mafiach ouvrait, ils savaient que leur plan avait échoué. Mais il ne l'a pas fait, de sorte qu'ils ont réussi. Ils ont caché une échelle. Au cœur de la nuit, notre marchand assassin armé d'un long poignard grimpe et glisse la lame de son poignard entre les contrevents afin de soulever la barre qui les maintient fermés. À présent, les volets sont libres. Le meurtrier s'introduit dans la chambre. Mafiach dort à poings fermés. L'homme le sort de son Ut et lui fracasse le crâne. Il dispose maintenant de tout le temps qu'il lui faut. Il s'est muni d'un sac. Il remplace le pichet de vin ainsi que le gobelet, et vide le vin drogué par la fenêtre. Cependant, il commet une faute. Il remplit un peu trop le nouveau cruchon. Il s'empare du psautier de Mafiach et met le gobelet et le pichet ayant contenu le vin drogué dans son sac, puis s'en va. En partant, il attache à la barre un morceau de corde fine.
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Ah, je sais pourquoi... interrompit Clitheroe.
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Il ferme un volet, puis l'autre, et, à l'aide de la corde, abaisse la barre. Il avait probablement attaché le lien avec un nœud coulant de sorte qu'il peut le récupérer. Et tout est comme il le
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