La rose de Raby
n'était pas grave. J'aurais pu la soigner tout aussi bien. Les écrouelles sont souvent causées par une mauvaise nourriture, surtout une insuffisance de légumes frais. Porter des vêtements en laine aggrave la maladie, car apparemment la laine attire les puces et la saleté. Donnez au malade des fruits frais, un bain chaud et de quoi changer de linge.
Kathryn voyait, à son air embarrassé, que frère Simon savait tout cela, et elle ajouta :
—
C'est de notoriété publique. Quant à moi, je le savais avant d'interroger la femme. J'ai vu mon père opérer de ces prétendus miracles chez des marins de la rivière Medway.
—
Et l'enfant mordu par un rat? interrogea Colum.
—
La peau a cicatrisé; l'enfant n'est qu'un bébé. Certes, des morsures comme celle-là peuvent tuer un enfant. À l'époque de l'accident, la mère, elle l'a dit elle-même, allaitait son bébé. D'après les maîtres, le lait maternel renforce les humeurs de l'enfant. Mais j'ai bien écouté la mère. Cette femme a la tête sur les épaules et ne s'en rend pas compte.
Kathryn énuméra ses arguments sur ses doigts.
—
Premièrement, elle a lavé la morsure avec du vin. Certes, le petit a dû hurler, et la plaie s'est enflammée, mais ça a fait plus de bien que de mal.
Ensuite elle a utilisé un vieux remède : un mélange de lait séché et de miel.
On trouve cette préparation dans nombre de recueils de médicaments : elle sert à nettoyer ce que les médecins appellent une plaie infectée.
Kathryn laissa retomber ses mains avant d'ajouter, en secouant la tête :
—
Je ne sais pas comment ça se fait, mais ce mélange attire le pus et le fait sortir.
Venables remua sur son siège, fasciné par ce qu'expliquait Kathryn.
—
Donc, elle a amené son bébé sur la tombe de frère Atworth, intervint-il, et la plaie, qui semblait vilaine, était déjà en train de guérir?
—
En effet, confirma Kathryn. C'est la même chose quand on vide un furoncle ou un abcès : le pus et le sang sont répugnants, mais, comme disait mon père, « il vaut mieux qu'ils soient dehors que dedans ». Pour dire les choses carrément, la plaie de l'enfant aurait guéri avec ou sans frère Atworth.
Le regard de la jeune femme se porta sur les trois moines. Anselm et Simon semblaient embarrassés. Kathryn se promit que, dès que l'occasion se présenterait, elle s'entretiendrait avec ces deux sournois. Jonquil conservait son air d'innocence ahurie, mais il ne fallait pas s'y laisser prendre. Ce qui intriguait davantage Kathryn, c'est que Jonquil soit ici, en premier lieu.
Certes, il avait été l'ange gardien d'Atworth et son serviteur, mais il n'occupait pas un poste de responsable au monastère.
—
Et le vieux soldat? reprit Colum.
—
Son cas est délicat et m'étonna, répondit Kathryn. Il souffrait de dysenterie. Il est venu au couvent, y est resté un jour puis s'en est allé.
—
Mais il a reconnu que ses coliques n'étaient pas revenues, interrompit Simon. Et il assure qu'il en souffrait depuis au moins six ans.
— Comme je l'ai dit, rétorqua Kathryn, je suis dans l'incertitude. Il faudra sans doute que je demande l'avis d'autres médecins. Cette maladie peut être due à des aliments qui conviennent à certains, mais dérangent les humeurs d'un autre. Il s'agissait peut- être d'eau putride ou de...
Elle s'interrompit.
—
Ou de quoi? la poussa l'infirmier. J'accepte vos diagnostics sur les trois autres cas, Maîtresse Swinbrooke. L'explication naturelle peut être logique, bien qu'il puisse quand même s'agir de miracles. Ce dernier cas cependant est troublant.
Kathryn joua avec la boucle de sa sacoche d'écriture.
— Avez-vous été soldat, Maître Venables ?
— Oui, j'ai combattu sur terre et sur mer.
Kathryn observa les yeux aux paupières lourdes de l'homme, son visage rasé de près, ses cheveux bien coiffés, ses doigts qui pianotaient sur la table.
—
Vous semblez en excellente santé, Maître Venables. Je ne voudrais pas vous mettre mal à l'aise, mais...
Un sourire éclaira le visage réservé de Venables.
—
Mon corps et mon âme sont en bon état, Maîtresse. Que le Ciel en soit remercié, j'ai participé aux batailles les plus sanglantes sans jamais être blessé.
—
Mais vous avez eu peur, non ? demanda Kathryn. Vous étiez à Tewkesbury, où le roi affronta les Lan- castre?
— En effet, j'ai participé à ce terrible massacre.
—
Le matin avant la bataille, avez-vous mangé ou
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