La rose de Raby
savait qu'il allait mourir? Peut-être s'en réjouissait-il?
Kathryn secoua la tête.
—
Personne n'est heureux de mourir. Pas même un saint. Nos trois moines sont des menteurs qui dissimulent la vérité !
CHAPITRE X
« Les seigneurs caparaçonnés sur leurs coursiers, Les chevaliers d'escorte, et autres écuyers... »
Chaucer, « Le conte du Chevalier », Les Contes de Cantorbéry La présence de la Cour avait métamorphosé le palais de l'archevêque. Des archers royaux, arborant la livrée des York sur leurs vestes de cuir, étaient assemblés près des entrées et des portes latérales, leurs longs arcs en bois d'if à l'épaule. À l'intérieur de l'enceinte, l'étendard royal déployait bravement les léopards d'or d'Angleterre dans la brise de l'après-midi finissant. Des chevaliers bannerets en armure sur laquelle ils portaient le splendide tabard de la maison royale gardaient portes, galeries et autres accès. Une petite compagnie de coursiers attendaient avec leurs montures, prêts à exécuter le moindre caprice du roi. Des messagers venus au galop de Londres ou d'ailleurs apportaient des lettres et rapports de shérifs, juges et officiers ministériels. Le pourtour de la cathédrale avait perdu son aura de sainteté, de lourds parfums et l'odeur des chevaux et du cuir ayant remplacé les fragrances de cire et d'encens. Le cliquetis de l'acier et les cris rauques des gens d'armes troublaient la sérénité des lieux et le plain-chant des moines.
Colum, Venables et Kathryn furent arrêtés à peu près tous les vingt pas : après avoir enlevé aux hommes leurs ceintures de guerre, on les fouilla tous les trois au cas où ils porteraient des armes cachées, et seulement alors on les autorisa à entrer sur la recommandation personnelle du capitaine.
—
Le roi est méfiant, chuchota Colum. L'agitation continue dans le pays. La maison de Lancastre compte beaucoup d'écervelés qui ont des meurtres sur la conscience et des assassinats en tête. Édouard est particulièrement préoccupé par les enfants royaux.
Kathryn opina du chef. Colum discutait souvent de la politique de la Cour et de la province. Édouard d'York avait anéanti ses ennemis. Les chefs de guerre lancastriens avaient été exécutés de façon barbare sur la place du marché à Tewkesbury et ailleurs, mais le dernier prétendant lancastrien, Henri Tudor, était toujours réfugié à l'étranger, ainsi que son redoutable chef d'armée, de Vere, comte d'Oxford. Les partisans lancastriens qui avaient échappé au bain de sang de Tewkesbury se cachaient maintenant dans les landes ou les forêts, pendant que de nombreux seigneurs ne se contentaient probablement pas de jouir de la paix.
—
Ils retourneraient leur veste à la première occasion, avait confié Colum, mais la meute des loups garde son calme tant que son chef reste fort.
—
Et vous ? avait demandé Kathryn.
Colum, grimaçant un sourire, avait cité un proverbe :
—
« Quand on dort avec des loups, si on se réveille, on hurle toujours ! »
Les mots revinrent à l'esprit de Kathryn, tandis qu'ils traversaient l'enceinte sacrée. Elle pensait rarement que les hostilités pourraient reprendre et que Colum, en tenue de soldat, serait appelé sous l'étendard royal. Elle avait déjà rencontré la famille royale. Le roi Édouard était magnifique, dominant tout le monde, avec ses yeux bleus cyniques, sa bouche charnue, sa démarche nonchalante, ce regard entendu chaque fois que passait un joli visage, et ce charme indolent qui dissimulait une volonté de fer et un cœur d'acier.
Édouard pouvait se montrer magnanime, généreux, plein de libéralité, mais s'il était acculé ou se sentait menacé, c'était le plus sanguinaire de tous.
Clarence, son frère, avait le beau visage sournois d'une femme ; il aurait pu être très bel homme sans son air maussade et méprisant. George de Clarence aimait la trahison, il s'y mouvait comme un poisson dans l'eau. Richard de Gloucester, plus petit que ses deux frères, était roux, avec des traits sombres et des yeux verts. Ce prince passait pour être un vaillant guerrier, ainsi que le meilleur des amis et le pire des ennemis. Kathryn avait aussi rencontré l'épouse d'Édouard, Élisabeth Woodville, femme vraiment remarquable, et l'une des plus grandes beautés que Kathryn ait jamais vues, avec ses cheveux d'or et ses étranges yeux violets. On murmurait qu'Élisabeth était sorcière, rompue à l'art de l'amour. Veuve,
Weitere Kostenlose Bücher