La rose de Raby

elle avait attiré Édouard d'York dans sa toile de soie et l'avait pris au piège de ses jeux subtils et retors. Kathryn ferma les yeux, espérant que l'affaire présente n'attirerait pas sur la «petite» qu'elle était l'attention de ces grands.
    Ils passèrent un portique soutenu par des piliers, où avaient pris place, de part et d'autre, des archers royaux, leurs arcs armés de flèches. Ensuite, ils franchirent une autre entrée gardée par les propres chevaliers de la maison du roi, épées au clair, et se trouvèrent alors dans le jardin de plaisance de l'archevêque. Tant de splendeur laissa Kathryn sans voix. C'était une vaste pelouse carrée entourée d'arbres et de plates-bandes fleuries. Derrière celles-ci, on avait accroché de somptueuses tentures d'or, tirées entre des poteaux pour créer l'impression d'une salle de banquet en plein air. Chaque tenture portait les armoiries royales et la rose blanche du comté d'York, et toutes étaient de couleurs différentes : bleu, rouge foncé, vert, or, marron-rouge et pourpre. Elles s'élevaient à plus de trois mètres entre les poteaux, à l'extrémité desquels flottait nonchalamment dans la brise une oriflamme aux armes de la maison royale. On avait jeté des tapis sur l'herbe.
    À l'extrémité de la pelouse, la table royale avait été dressée sur une estrade recouverte d'étoffes scintillantes. Au pied de l'estrade une autre table avançait au milieu de la pelouse. Kathryn pouvait entendre les serviteurs s'affairer et parler. Les tables étaient encombrées de plats d'or et d'argent, de gobelets incrustés de pierreries, de couverts et de louches en métal précieux.
    Sur la table royale, une salière en or fin, en forme de château de fée, étincelait tant au soleil qu'elle éblouit la jeune femme.
    Cependant, Colum lui indiquait les invités installés à la table basse : des courtisans et des ecclésiastiques de haut rang. À mesure que ses yeux s'habituaient à la lumière, Kathryn distingua, à la table haute, le roi, son épouse à sa droite et sa mère à sa gauche. Clarence, qui avait déjà beaucoup bu, était affalé en avant, discutant avec son frère Richard. Édouard, lui, était assis sous un dais d'argent garni de glands rouges ; il se laissait aller dans son siège d'apparat, tenant d'une main un gobelet, tandis que de l'autre il couvrait celle de son épouse. Même de là où elle se tenait, Kathryn pouvait voir que l'esprit du roi était ailleurs ; il leva les yeux vers le ciel pour observer une hirondelle comme s'il lui enviait sa liberté. Derrière se tenaient en rang les hérauts et les chevaliers bannerets. De douces odeurs de nourriture emplissaient l'air.
    Kathryn chercha Bourchier et le repéra à l'extrémité de la table, juste sous l'estrade royale. Les yeux clos, l'archevêque avait joint les mains comme s'il priait. Au vu des taches de vin qui maculaient la nappe blanc ivoire, il était clair que le banquet touchait à sa fin. Derrière les tentures dorées, les musiciens royaux essayaient de jouer, mais leur musique était noyée dans le bruit des assiettes qui s'entrechoquaient, des allées et venues des serviteurs circulant entre les hôtes avec de gros carafons de vin.
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    Ils ont bien mangé et bien bu, chuchota Venables, quant à l'humeur du roi, seuls Dieu et ses saints la connaissent.
    Un chambellan apparut et murmura quelques mots au roi, qui le congédia d'un geste. Colum saisit Kathryn par la manche.
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    Regardez ce personnage au bout de la table royale. Il revient à l'instant.
    Kathryn suivit la direction indiquée par Colum. Un individu de petite taille et corpulent, avec des cheveux roux intense, venait de reprendre son siège. Il était vêtu comme un paon d'une cotte-hardie rouge foncé, avec un haut col incrusté de joyaux. Son visage était empourpré par le vin, et il semblait s'ennuyer tout autant que le roi, jouant sans arrêt avec une bague à son doigt, et se tournant de temps en temps pour sourire à la jolie servante qui proposait un pot à eau pour que les hôtes puissent se rincer les mains. Le roi parut intéressé que l'homme soit revenu : se penchant en avant, il cria quelque chose en travers de la table. L'individu prit son gobelet, inclina la tête et porta un toast au roi.
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    C'est le vicomte de Sanglier, chuchota Colum, l'envoyé du roi de France chargé des messages les plus affectueux de Louis, ainsi que de donner de sa part le baiser de paix à son aimable frère en Dieu,