La Rose de Sang
regard
impérieux de son œil brun. Il avait l'air amusé en la considérant. Elle le
connaissait bien. Peut-être avait-il même une sorte de défi en la regardant.
Pour le moment, il lutinait demoiselle Pluche.
— Ma belle Arthémise, vous ne vous attendiez pas à me voir.
— Pour ça non, Monseigneur. Quelle surprise ! gloussait Pluche.
— Surprise ! Sérénité ! croassait Gros Léon.
— Une bonne surprise, j'espère, pour tout le monde !
En
disant ces mots, Fulvio regardait Zéphyrine. Elle se détourna, gênée, troublée
par son mari. Elle débordait de bonheur de l'avoir retrouvé et ne savait
comment le lui montrer.
— Piccolo, Paolo, allez nous chercher à manger! ordonna Fulvio.
Il
n'y avait pas de doute. C'était bien lui. Dès que Fulvio arrivait quelque part,
tout remuait. Il lançait des ordres, exigeait commandait. «
Monsieur Je-le-veux », oui, Fulvio était revenu?
Le
notable inca et sa famille avaient fui leur palais depuis l'arrivée des
Espagnols. Les écuyers allèrent préparer un plantu reux repas.
Pour
faire passer les derniers effets de la coca, Zéphyrine avait bu beaucoup d'eau.
Aidée de demoiselle Pluche, elle se lava du sang séché sur
son corps. Elle s'habilla de vêtements propres, pris dans la garde-robe des
dames incas.
— Ainsi, tu es vivant, Gros Léon. Sais-tu que je me suis
beaucoup fait de souci pour toi ? reprocha Zéphyrine en grattant le plumet gris
de son choucas.
— Souci ! Saucisse ! Seigneur ! approuva l'oiseau.
Zéphyrine
était prête. Elle rejoignit son mari dans la salle principale du pavillon.
— Fulvio, dit-elle aussitôt..., notre fils Luigi a été enlevé
par doña Hermina ! Elle s'enfuit avec lui, nous devons ne pas perdre de temps
et suivre ses traces.
Fulvio
mit un doigt sous le menton de Zéphyrine. Il la força à relever la tête vers
lui.
— Je suis là maintenant, faites-moi confiance. Vous avez été
trop longtemps seule. Croyez-vous que je me désintéresse de notre enfant ?
— Mais, Fulvio..., balbutia Zéphyrine.
Ses
yeux s'étaient remplis de larmes.
— Là... là...
Fulvio
prit Zéphyrine dans ses bras. Il lui tapotait le dos, la tête. C'était un geste
gentil ressemblant à celui d'un cavalier pour sa jument.
— Si doña Hermina est terrée dans quelque cachette du temple
avec ses complices, elle finira par sortir. Il faut que le calme revienne, que
tous les soldats aient quitté les lieux. Bois-de-Chêne reste sur place. Nous le
retrouverons à la tombée de la nuit, m'amie, s'il a découvert quelque chose, il
nous le dira. Allons, la soirée risque d'être rude, pour l'instant, ma chérie,
il vous faut prendre des forces et moi je meurs de faim...
Fulvio
entraîna Zéphyrine vers le repas. Elle devait admettre que ses raisons
étaient fondées, mais elle s'aperçut qu'il ne l'avait pas encore embrassée .
Chapitre XXXIII
LE PRINCE FULVIO FARNELLO
— Et alors ? Dieu du ciel ! Par la Vierge, Monseigneur ! Oh !
quel bonheur ! Et alors ? Qu'est-ce qui est arrivé ?
Avec
ses cris et ses questions, demoiselle Pluche exaspérait Zéphyrine. La jeune
femme aurait voulu être tête à tête avec son mari, lui tenir la main, le faire
parler pour elle seule. Au lieu de cela, Fulvio tenait conférence devant une
assistance qui se composait de Piccolo, Pluche, Paolo, Pando-Pando et, bien
sûr, Gros Léon.
— Lorsque nous fûmes séparés en Sicile, mes amis, Paolo et moi,
après avoir vainement cherché Luigi, ne pouvions vous rejoindre. Le magma nous
séparait. Espérant que vous aviez pu fuir, Zéphyrine, avec Corisande et nos
compagnons, nous réussîmes à quitter le palais et à nous cacher dans une grotte.
A la nuit, étouffés par la fumée et les braises, nous partîmes vers la côte
ouest de la Sicile. Nous espérions trouver un vaisseau et vous rejoindre, mon
amie, si vous aviez pu gagner la Sardaigne ou Malte... Près d'une crique, les
soldats de Charles Quint nous arrêtèrent. Avec Paolo, ils nous jetèrent à fond
de cale d'une caravelle. J'avais été blessé à la poitrine. Sans Paolo qui me
soigna avec le dévouement d'une mère, je serais mort, Zéphyrine... Aujourd'hui,
vous seriez réellement veuve, insista-t-il en regardant sa jeune femme.
Elle
ne baissa pas les yeux.
— Il faut croire, reprit Fulvio, que la mauvaise herbe
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