La Rose de Sang

nous prenaient pour des dieux !
    —       Vous
n'en avez pas profité ?
    —       Si,
Votre Majesté... Au nom de Votre Royale Personne et de l'Espagne, nous nous
sommes emparés de la ville, de ses monuments, de la lagune, et du palais de
Montezuma.
    —       Co...
comment était ce... ce sauvage? interrogea Charles avec curiosité.
    —       Il
portait une coiffure de plumes vertes, insigne de son rang militaire, et des
sandales à semelle d'or... Ses épaules étaient couvertes d'un manteau parsemé
de pierreries et de perles, fermé au col par une énorme émeraude, que j'ai pu
sauver et... rapporter à Votre Majesté Impériale.
    Le silence tomba
derrière la tapisserie. Charles Quint devait examiner la pierre précieuse.
    Zéphyrine ne savait
rien de ce pauvre roi Montezuma. Soudain, elle le plaignit, ayant l'impression
qu'il était tombé dans un piège atroce et que la félonie qui s'était déroulée
sur cette terre de l'Eldorado n'était pas venue du côté aztèque.
    Dans le cabinet,
Charles Quint se leva. Il passa devant don Ramon, resté debout
dans le fond de la pièce.
    —       Avez-vous
pu forcer ce sauvage à se faire baptiser et à abjurer sa religion païenne ?
interrogea l'empereur, radouci par le joyau.
    —       Hélas non, Sire.
Lors de la Noche Triste, devant leur temple d'or barbare, les indigènes
qui nous avaient fait croire à leur amitié se révoltèrent. Je forçai Montezuma
à haranguer la foule, par son propre peuple, il fut tué d'une pierre en plein
front. Pourchassés par les Aztèques, qui surgissaient de tous côtés tuant les
nôtres, nous dûmes battre en retraite... C'était l'enfer... Les pertes étaient
terribles, je dus me résoudre à livrer bataille dans la vallée d'Otumba et
Oaxaca contre deux cent mille guerriers...
    —       Deux
cent mille... répéta Charles Quint, impressionné.
    —       Devant
Dieu, je jure que c'en était fait de nous, quand je réussis à transpercer d'une
flèche le chef cacique. Je m'emparai de sa bannière. Parmi les sauvages, ce fut
la panique, j'avais perdu trois cents de mes meilleurs soldats, mais vingt
mille Indiens avaient trouvé la mort... Je fis construire des barques pour
reprendre Tenochtitlân par la lagune. Après plusieurs semaines de harcèlement,
le 13 août, Sire, nous entrâmes victorieux dans la ville... Pour mater ces
indigènes, nous dûmes brûler leurs palais. J'ai ici un rapport pour Votre
Majesté. Nous avons passé par les armes environ quarante mille hommes. Les
femmes et les enfants qui résistaient ont été précipités dans le lac..., après
avoir, bien sûr, été baptisés en groupe, Sire, par nos bons padres. C'est ainsi
que nous ramenâmes la paix. Ce fut le prix pour offrir ensuite à Votre Majesté
le Yucatan, la prise du site de Veracruz et la fondation de la ville, ainsi que
la royauté de cette Nouvelle-Espagne.
    —       Dont
on... vous accuse... de vou... vouloir vous emparer pour fonder votre propre
empire.
    —       Ce
sont des calomnies, Sire..., pour me perdre dans l'esprit de Votre Majesté.
    Zéphyrine entendit
à peine les derniers mots. Elle était glacée par toutes ces horreurs. Elle se
pencha et vit Cortés, toujours à genoux. L'ombre de Charles Quint se retourna
vers le conquistador.
    —       Que...
que contenait le trésor? interrogea-t-il.
    —       De
la vaisselle d'or, des bijoux de toutes formes, des idoles enchâssées de
pierres fines... J'ai tout fait embarquer à bord de
    —       nos galions. C'est au
cours de la traversée que Jean Fleury nous a traîtreusement attaqués...
    —       Ma
flota !... La plus forte du monde !... Ne pouvant résister à ce maudit corsaire
français... Ex... expliquez-nous cela, Cortés.
    —       La
malchance, Sire. Nous avions à bord des jaguars...
    —       Qu'est...
qu'est-ce encore cela?
    —       Des
animaux, Sire... Comment dire à Votre Majesté? Ils ont quatre pattes comme de
gros chats... et un pelage moucheté de taches... C'est un grand mammifère de ce
pays d'Eldorado, nous voulions en rapporter à Votre Majesté... Ces bêtes étaient
dans les cages au cours de la traversée. Elles s'échappèrent et tuèrent ou
blessèrent une vingtaine de marins. L'équipage était... terrorisé, affaibli,
juste au moment où Jean Fleury attaqua avec huit navires de son armateur, le
Dieppois Jean Ango...
    Charles Quint avait
disparu du champ de