La Rose de Sang
la visite et les bontés de Votre
Majesté, s'est senti beaucoup mieux...
Sous le regard
perçant de Charles, Zéphyrine ne se troubla point. Elle continua avec une
pointe de pédanterie destinée à impressionner l'adversaire :
— Les
humeurs qui pouvaient faire craindre une fièvre tierce du cervelet ont quitté
la partie supérieure de Sa Majesté par les voies naturelles. Aussitôt, l'état
de fébrilité a baissé, le pouls est redevenu plus lent, c'est un vrai miracle,
Sire, que la présence de Votre Majesté Impériale a accompli.
La nouvelle que Zéphyrine
apportait à Charles Quint aurait dû le réjouir. Il récupérait son ennemi le
plus cher. Ses yeux n'étaient que deux fentes. Devant leur froide expression,
Zéphyrine dut faire appel à tout son courage pour ne pas laisser voir sa
crainte.
Le plus grand «
matou » d'Europe se taisait, ne montrant ni satisfaction ni mécontentement, ne
posant aucune question. A Zéphyrine de continuer :
— Après
avoir été saigné, les premiers mots du roi furent une action de grâce pour
remercier la générosité de Votre Majesté, souhaitant revoir sans tarder sa
présence bénéfique à son chevet afin d'évoquer un avenir fraternel... Ce sont
les propres mots de sa Majesté...
Zéphyrine ne savait
plus très bien où elle allait. Pendant un temps qui lui parut une éternité,
elle continua de monologuer sous le regard énigmatique de Charles.
Soudain, Zéphyrine
s'arrêta. L'empereur s'était levé. Il fit quelques pas, ouvrit la fenêtre,
respira plusieurs fois l'air frais de la nuit, referma la croisée et fonça vers
Zéphyrine plus morte que vive.
— Que...
que che... cherchez-vous... princesse Fa... Farnello ?
Devant l'attaque
montrant que Charles Quint n'avait pas été dupe et que son service de
renseignements était le meilleur du monde, Zéphyrine ne faiblit pas.
— Mon
mari, Sire ! Mon cher époux, le prince Fulvio Farnello.
Charles Quint se
détourna, agacé.
— Nous...
ne sommes pas Dieu, Madame... On... on nous a dit... le... prince Farnello...
mort dans l'é... l'éruption de l'Etna en... Sicile.
Charles Quint
s'était rassis. Pour bien montrer que l'audience était terminée, il reprit la
plume d'oie et piqua du nez dans un dossier.
C'était mal
connaître Zéphyrine. Oubliant l'étiquette, elle se précipita vers le bureau
impérial.
— Non,
Sire, on a trompé Votre Majesté.
Personne au monde
n'avait dû jamais dire non à Charles Quint. De saisissement, l'empereur en
laissa tomber sa plume.
— L'...
l'arrogance des Français est-... elle sans limites, Madame ?
Charles Quint
levait la main vers le cordon pour appeler un garde et chasser l'intruse.
— Sire,
au nom de Dieu, j'adjure Votre Majesté de m'écouter.
Emportée par son
élan, Zéphyrine fit ce qu'elle s'était juré de ne pas faire. Contournant la
table, elle vint se jeter aux pieds de Charles Quint. Il fallait être un cœur
de pierre pour ne pas être attendri par cette belle jeune femme dont les yeux
verts laissaient échapper des larmes brillantes. La main de Charles Quint
s'arrêta sur le cordon sans le tirer.
— Votre
Majesté est bonne et généreuse. Elle a trop le sens de la justice pour me
condamner sans m'entendre et pour rejeter ma supplique..., gémit Zéphyrine.
Ses beaux cheveux d'or roux
brillaient à la lumière des chandelles . Sans qu'elle y prît garde, son corselet
laissait apparaître la naissance de sa poitrine.
— Vous
nous avez trompé, Madame... On ne peut pas faire confiance aux Français... Vous
avez usurpé une fausse identité pour parvenir jusqu'à nous.
— Non,
Sire, cria Zéphyrine. Je le jure à Votre Majesté sur ce que j'ai de plus cher,
je suis Zéphyrine de Bagatelle, princesse Farnello ! Votre Majesté ne peut
accabler une malheureuse mère qui a perdu son époux, et à qui on a volé son
fils...
Le silence de
l'empereur lui redonna courage. Après tout, cet être de marbre pouvait
peut-être avoir un sentiment humain. Dans son « corps » trop serré, elle
suffoquait, mais elle reprit son plaidoyer.
— Sire,
mon époux le prince Farnello a toujours été un loyal serviteur de votre
Couronne...
— Sauf
en se révoltant ! rectifia Charles Quint.
Pour la troisième
fois, Zéphyrine contredit le roi :
— Non,
Sire, le prince Farnello ne s'est pas rebellé
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