La Rose de Sang
un renfoncement un superbe gentilhomme, d'une trentaine
d'années, le duc et ami de François I er Anne de Montmorency. En
quelques mots, elle le mit au courant du plan établi avec le roi. Le valet noir
revenait justement avec son bois.
Le grand seigneur
hocha la tête, dubitatif. L'idée de l'équipée ne lui plaisait pas.
— C'est
dangereux, Madame. Imaginez qu'il soit pris en moricaud, que dirait l'Europe ?
grommela Anne.
— Ce
qui est dangereux, Messire, c'est qu'il reste aux mains de 1' « ogre » Qu'en
dirait l'Europe ? rétorqua Zéphyrine du tac au tac.
Anne de Montmorency
en resta coi. Il n'avait pas l'habitude qu 'on lui parle de
cette façon. Zéphyrine ne put continuer sa démonstration. Le vice-roi de Naples
montait l'escalier. Il venait à sa rencontre.
Zéphyrine planta là
Anne de Montmorency pour aller s'occuper de ses propres affaires.
— Alors,
fit Lannoy. Vous avez vu l'empereur?
— Oui,
Messire.
— Cela
s'est bien passé ?
— Dans
un sens, oui... Dans l'autre, je ne sais pas.
— Ne
vous inquiétez pas, c'est toujours comme ça avec Sa Majesté, assura Lannoy avec
bonté. Puis-je autre chose pour vous, princesse Farnello ?
Zéphyrine n'hésita
pas.
— J'ai
besoin d'un sauf-conduit me permettant de circuler librement, pour moi et trois
ou quatre personnes de ma suite.
Lannoy fronça le
sourcil.
— Messire
Lannoy, supplia Zéphyrine, ma fille est restée dehors avec sa nourrice et nos écuyers.
Je suis inquiète, comprenez mon cœur de mère.
Personne n'aurait
pu résister à cet émouvant visage aux yeux verts suppliants. Le vainqueur de
Pavie était un homme comme les autres. Ce rude soldat, plus habitué aux champs
de bataille qu'aux salons, murmura rêveusement :
— J'espère
de tout cœur, princesse Zéphyrine, que mon ami Farnello est en vie et qu'il
retrouvera le bonheur... Paco ! appela Lannoy.
Aussitôt, un petit
scribe portant une écritoire se détacha d'un groupe d'écuyers. Lannoy prit
quatre parchemins qu'il signa. De sa bague, il apposa son cachet de cire.
— A
part le vôtre, princesse, je laisse les noms de vos serviteurs et de votre
fille en blanc, mais il faut me jurer sur le Christ que ni vous ni eux ne
tenterez rien pour faire évader le roi.
Une rigole de sueur
coula dans le dos de Zéphyrine. A deux Pas derrière, elle sentait le regard
d'Anne de Montmorency. Il ne perdait pas un mot de la conversation. Bien que
peu pratiquante,
Zéphyrine était
croyante. Se parjurer était pour elle un vrai crime. Refuser était dévoiler le
complot.
— Fluctuât
nec mergitur [36] ... commença
Zéphyrine, qui avait toujours fait appel au latin pour se donner le temps de
réfléchir. Je vous donne ma parole, messire de Lannoy, de ne rien tenter «
personnellement, ni physiquement » pour faire évader le roi, assura-t-elle en
jouant sur les mots. Et je vous jure que mes serviteurs n'entreront à l'Alcazar
que pour escorter ma fille et la mettre sous la protection de Madame
Marguerite.
— J'ai
confiance en votre parole, princesse Farnello, dit Lannoy en lui remettant les
sauf-conduits.
Zéphyrine cacha sa
gêne sous un sourire éblouissant. Elle prit congé du généralissime avec
soulagement et reconnaissance. Anne de Montmorency était rentré dans la chambre
royale. Serrant les quatre précieux parchemins, Zéphyrine prévint Yolande de
Neuville qu'elle sortait quelques heures.
Gros Léon se posa
sur l'épaule de sa maîtresse. Celle-ci se dirigea vers l'escalier de la tour.
De son gros ventre,
le père Julien barrait le passage. Il discutait un point de théologie avec
frère Manolo.
— Vous
sortez, ma fille ?
— Oui,
mon Père.
— Alors,
je vous bénis car vous êtes une bonne catholique.
Frère Manolo
approuva de sa petite tête aux yeux perçants. Un autre moine venait lui parler.
Frère Manolo s'éloigna avec son coreligionnaire.
— Père
Julien, chuchota Zéphyrine, que se passe-t-il si l'on est semi-parjure... ?
— On
va en enfer ! affirma le prêtre d'un ton sévère.
Déjà, Zéphyrine
sentait les flammes éternelles brûler ses mollets.
— Mais... (le père
serrait sa main) pour la bonne cause, mon enfant, celle de notre roi, on peut
mentir, mieux, on doit le faire, car Dieu seul juge de l'intention ! Si
celle-ci est
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