La Rose de Sang
dévasté, Zéphyrine regardait à la lueur du candélabre ce corps d'homme musclé. Sans être gêné par
sa nudité, don Ramon revint, portant un
plateau de friandises.
Les
douze coups de minuit sonnaient au clocher voisin.
— Il va falloir que je rentre, dit Zéphyrine.
— Non,
tu restes dormir avec moi, ordonna don Ramon d'un ton sans réplique.
Zéphyrine allait protester. Elle songea que, si lui avait tout obtenu, elle n'avait encore
recueilli aucune information.
Après
s'être rassasiée, Zéphyrine, décidée à gagner la partie, se blottit dans les
bras de son amant.
— Je reste avec vous, Ramon, car je ne saurais plus rien vous
refuser.
Ensorceleuse,
elle caressait de ses lèvres la poitrine poivre et sel du favori de Charles
Quint.
— Tu m'as donné beaucoup de plaisir, Zéphyrine, murmura- t-il,
à nouveau troublé.
— Moi aussi, je... c'était très bien.
— Seulement très bien ? se moqua don Ramon.
— Non, c'était... parfait... superbe, grandiose, somptueux,
éclatant !
Ils
rirent de la réponse de Zéphyrine.
— Tu n'as pas eu beaucoup d'amants ? murmura don Ramon en
caressant ses cheveux.
— Non, avoua Zéphyrine. Messire, vous êtes le premier.
— Et
le meilleur, j'espère... Je n'ose dire le seul, car ta vie débute... Ah!
Zéphyrine, j'ai presque le double de ton âge!
— On
ne le dirait pas, mon cher.
— Je
voudrais te protéger des dangers qui, je le sens, te menacent..., de la vie, de
toi-même, Zéphyrine.
Tout
en parlant, Ramon de Calzada caressait le ventre de Zéphyrine.
— Tu
es une ensorceleuse, murmura-t-il, prêt à l'enlacer.
Elle
lui donna un baiser dans le cou et le repoussa doucement.
— Ramon,
dis-moi, je t'en prie... Que s'est-il passé ce matin ?
Don
Ramon poussa un soupir. Il s'allongea, les deux mains derrière la nuque.
— Ce n'est pas mon secret, Zéphyrine, c'est celui de « qui tu
sais ». S'il apprend que j'ai parlé, je ne donne pas cher de ma peau, mais je
ne peux plus et ne veux plus rien te cacher... « Il » m'a envoyé chercher ton
fils au couvent des clarisses...
Zéphyrine
s'était assise, les genoux croisés.
— Au couvent des clarisses, répéta-t-elle, la voix blanche
— Oui, l'enfant était prétendument gardé par une femme Trinita
Orlando...
— Doña Hermina, murmura Zéphyrine, plus pâle que l'oreiller de
dentelle.
— Cette scélérate nous a joués. Elle m'a remis ce pauvre petit
que je t'ai apporté. Mais, je te jure sur Dieu que j'étais sincère.
— Je te crois, Ramon. Mais pourquoi, après, ne m'as-tu pas
parlé ? gémit Zéphyrine. J'aurais galopé avec mes gens jusqu'au couvent, nous
aurions tout mis à sac.
Don
Ramon se redressa sur un coude.
— C'était ce qu'il fallait,
dans ton intérêt, éviter. Je ne pouvais rien te dire, lié au secret... Mais,
que crois-tu donc que j'ai fait?...
— La señora Trinita Orlando ?
Aussitôt
après avoir quitté Zéphyrine à l'auberge San Simeón, don Ramon frappait de nouveau
à la porte du couvent des clarisses. Il s'attendait presque à la réponse.
— La señora Orlando est partie !
Don
Ramon se fit ouvrir. Il parla même avec la mère supérieure et dut se rendre à
l'évidence.
Aussitôt
après son départ, la señora Trinita Orlando avait filé avec armes et bagages.
Tout ce que le gentilhomme put apprendre, c'est qu'elle était accompagnée de
son valet qui l'attendait au-dehors, d'une naine et de son petit garçon, un
beau bébé de six mois.
La
mère supérieure paraissait avoir grande opinion de la señora Orlando. « Une
bien bonne personne, si charitable... Pensez donc, Señor, qu'elle a même adopté
ce matin l 'enfant qu'une miséreuse
avait déposé au tour de l'hospice... »
En
sortant du couvent, don Ramon eut l'idée d'aller enquêter chez le forgeron le
plus proche. L'homme avait en effet ferré des mulets pour l'équipage d'une dame
correspondant au signalement de doña Hermina.
Tout
ce dont il se souvenait, c'est qu'elle lui avait demandé la route de Salamanca [48] .
— La
route de Salamanca... répéta Zéphyrine. Elle irait donc se cacher au Portugal ?
— Je
t'ai dit tout ce que je savais, murmura don Ramon. Il faut me croire...
Zéphyrine
le
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