La Rose de Sang
puissant est Viracocha, maître
de la beauté du monde... c'est.
Malitzin paraissait
bouleversée.
— Qu'y
a-t-il Malitzin ? insista Zéphyrine.
— Viracocha a surgi
des eaux d'un lac ! C'était un homme blanc à la barbe fleurie, de grande corpulence. Il était vêtu d'une simple tunique
blanche. Avant de partir, il a prédit son retour. Viracocha a fait une
prédiction que tous les Incas attendent, comprends-tu, Zéphyrine. Les Incas
vont penser que Pizarro et les Espagnols sont le retour de leur dieu... et
moi... Malitzin, pauvre Aztèque, je sais que cela n'est pas vrai !
Zéphyrine calma du
mieux qu'elle put les frayeurs de Malitzin. Au fur et à mesure que l'Indienne
parlait, Zéphyrine se rendait compte qu'elle en savait plus qu'elle n'avait
voulu l'avouer. Un échange culturel avait dû se faire avant l'arrivée des
conquistadors entre les Aztèques et les Incas.
— Oublie
ces chiens puants — les Pizarro —, je vais parler à l'autre, c'est mon ami,
femme pâle... Lui a le cœur bon. Il va t'emmener...
— Tu
veux parler de Hernando de Soto ? dit Zéphyrine.
— Oui,
laisse-moi faire. Arrivée à Tumbez, tu iras trouver un frère de race installé
là-bas. Sa mère était une princesse aztèque de ma famille emmenée en esclavage
par les Incas. Il est intelligent, riche, a des rudiments de la langue
espagnole et possède cinquante lamas. Son nom est Pando-Pando. Va le trouver de
la part de Malitzin, il t'aidera, Zéphyrine, ma sœur...
Très émue que
Malitzin lui donne ce nom, Zéphyrine l'embrassa.
— Je
ne veux pas partir sans sermonner Cortés, pour qu'il ne recommence pas à te
battre, ma sœur Malitzin...
— Ne t'inquiète pas
pour Malitzin, je connais Cortés, c'est un enfant. Pars, ma sœur, pars sans le
revoir, et tout rentrera dans l 'ordre...
Zéphyrine regarda
la belle Malitzin. Ses voiles bayadères étaient déchirés, découvrant des seins
magnifiques.
«
Après tout, la vaincue avait des armes pour soumettre le vainqueur
! »
Quelques
jours plus tard, on chantait l'Ave Maria Stella sur le port.
Ces crapules de
frères Pizarro partaient sur trois navires avec cent quatre-vingt-trois hommes
et vingt-sept chevaux [118] .
Le père dominicain
Vicente de Valverde bénissait l'expédition et l'étendard royal.
Zéphyrine se
rendait compte que la conquête de l'or était justifiée par la lutte contre les
Infidèles.
Le lendemain,
obéissant à Malitzin, sans avoir dit au revoir à Cortés, Zéphyrine embarquait,
en cachette du conquistador, avec demoiselle Pluche et Piccolo, sur un des deux
brigantins de Hernando de Soto.
Cent hommes étaient
à bord et dix-huit chevaux.
Un calcul rapide
permit à Zéphyrine de compter qu'avec les soldats des Pizarro, deux cent
quatre-vingt-trois hommes et quarante-cinq chevaux partaient conquérir un des
plus grands empires du monde.
« Ils sont fous,
ces Espagnols... Ils vont se faire massacrer! » pensa Zéphyrine.
Frissonnante, elle
se laissa aller un moment au découragement. Devait-elle réellement faire le
tour de la terre avant de rejoindre doña Hermina ? Ce pays étrange et fabuleux
serait-il une terre d'accueil ou de mort ?
Avec son courage
indomptable, Zéphyrine se reprit à espérer que tout se passerait pour le mieux,
sans effusion de sang, dans la paix...
Elle retrouverait
Luigi, son fils... Fulvio, son amour...
Les côtes dorées de
Panama s'éloignaient sous le soleil.
Zéphyrine se sentit
envahie d'une sorte d'allégresse.
Elle voguait sur
l'océan Pacifique !
Les vaisseaux
n'étaient plus que de petits points à l'horizon lorsqu'un étrange trio entra
dans la ville.
Solides et
visiblement aguerris à la dure, les trois hommes vêtus en marins, bien que
dépenaillés, n'avaient pas l'air très éprouvés par leur course dans la forêt
tropicale. A leurs propos ils venaient
de Nombre de Dios.
Le plus grand
d'entre eux, un gaillard à la barbe brune, plissa sa paupière dans un visage
hâlé. Il portait un bandeau noir sur l'autre œil et... un gros oiseau à crête
grise sur l'épaule de sa veste à basque froncée.
— Saperlipopette
! Sardanapale ! croassa l'oiseau pour la plus grande joie des portefaix du
port.
— Hé
! le borgne ! s'écria l'un d'eux. T'as l'air costaud. C'est-y qu' tu cherches
un engagement avec tes compagnons et ton drôle d'oiseau ?
Le grand borgne se
pencha vers ses amis. Ils eurent un
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