La Rose de Sang
diamants aux oreilles, accueillit la
jeune femme comme le maître de maison.
Partout où passait ce diable
d'homme, il devenait le chef incontesté.
Tenant Zéphyrine par la
taille, avec une tendresse qui rendait folle de rage la belle Malitzin, il lui
présenta les invités. Un gros banquier assez antipathique, Gaspar de Espinosa
et... quatre hidalgos que Zéphyrine reconnut
immédiatement pour être ceux du
matin sur le port.
— Permettez-moi
de vous présenter, Princesse... de fiers capitaines « amis » de longue date,
Francisco Pizarro et ses frères Gonzalo, Hernando et Juan...
Avec leurs airs
fanfarons de grands matamores aux yeux cupides, Zéphyrine détesta immédiatement
les quatre frères Pizarro.
Ils étaient nés en
Estramadure, bâtards d'un militaire et de différentes mères dont une prostituée
— Francisco, lui, avait, disait-on, été abandonné sur les marches d'une église
et il se flattait d'avoir été nourri par une truie !
Soldat en Italie,
conquistador sous les ordres de Cortés d'où leur « amitié », Francisco Pizarro
avait retrouvé ses trois frères, puis Diego de Almagro et le père Luque, tous
aussi illettrés que lui. Tout ce beau monde avait fondé une « association »
destinée à découvrir le pays des Incas, dans lequel ils avaient déjà fait une
incursion.
Zéphyrine écoutait
ces rodomontades sans chercher à cacher son énervement. Comment Charles Quint
pouvait-il faire confiance à ce voyou de Francisco Pizarro, son louche associé
Luque et ce Diego de Almagro, qui ne devait pas valoir mieux !
Sans paraître
remarquer la froideur de la jeune femme, les Pizarro se mirent à lui dire des
amabilités destinées à faire oublier les moqueries du matin.
Cortés les écarta
pour présenter à Zéphyrine un autre invité.
— Et
voici, Princesse, Hernando de Soto... Il vient de s'illustrer chez les Mayas...
Une fine lame au cœur d'airain, s'il en fut.
Cortés semblait
tenir Soto en grande estime. Le capitán salua
Zéphyrine avec distinction. Celle-ci lui répondit d'une aimable révérence. Elle
n'éprouvait que méfiance pour les Pizarro. Elle apprécia le noble regard
d'Hernando de Soto.
Elle avait remarqué
que Cortés lui donnait à tout bout de champ
son titre de « princesse » Farnello. Loin de Charles
Quint, le conquistador ne craignait plus de lui
rendre son nom, destiné à éblouir ses
« amis ». Il y avait entre ces grands capitaines, mis à part peut-être Soto, une compétition redoutable. Les petits yeux noirs de
Francisco Pizarro se rétrécissaient d 'envie
aux récits de Cortés racontant ses prouesses contre Montezuma !
Pâle, digne, drapée
dans des voiles bayadères, parée de rubis aux lueurs sanglantes, Malitzin
s'exprimait rarement, mais dans un excellent castillan.
Zéphyrine
ne pouvait s'empêcher d'admirer la belle Aztèque. Son amour pour Cortés faisait mal à voir.
Mise à part
demoiselle Pluche, Zéphyrine était la seule femme blanche de la soirée. Ces
messieurs, fort privés, ne se gênaient pas pour faire assaut sous la table.
Trois jambes
appartenant aux Pizarro convergeaient vers Zéphyrine. Le dernier frère, Juan,
lutinait Pluche, ravie.
Quant à Cortés, il
voulait montrer à la tablée que Zéphyrine lui appartenait et qu'elle allait le
suivre vers les Mexicas.
— Alors,
chère princesse Zéphyrine, que dites-vous de Pizarro qui va partir pour la
troisième fois au sud rejoindre son lieutenant Almagro... On m'avait dit que
vous étiez un peu en froid avec Diego ! Bah ! au sud, ça va se réchauffer...
Mon pauvre Francisco, là-bas tu ne vas trouver que des tas de cailloux ! se
moquait le fondateur de Veracruz en buvant sec.
Maîtrisant sa rage,
Pizarro répondait :
— Les
cailloux se transforment parfois en or, ami Cortés. Cela vaut mieux que lorsque
l'or se transforme en cailloux, comme avec le trésor de Montezuma !
— Ah
! ah ! ah !
Les trois Pizarro
mêlèrent leur rire à celui de leur aîné.
Zéphyrine crut que
Cortés allait éclater. A grand-peine, le conquistador se maîtrisa et la
conversation alla bon train.
On parlait beaucoup
des épidémies de fièvre pourpre [113] et maladies pustuleuses [114] qui décimaient les populations indigènes des Mexicas et du Yucatan.
Personne ne le
disait tout haut, mais Zéphyrine pressentait que les grands capitaines
n'étaient pas mécontents que le ciel remédie à la surpopulation en rendant
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