La Sibylle De La Révolution
tenu de ma mission, je ne pourrai passer sous
silence notre conversation.
— Vous êtes franc et honnête,
ce que nous apprécions. Cette entrevue est maintenant terminée. Nous espérons
sincèrement que les informations délivrées vous seront de quelque utilité.
Frère maître des cérémonies et vous mon frère secrétaire, veuillez raccompagner
ces deux profanes sur le pronaos. Là, vous aurez bien soin de les emmener à
l’endroit précis où vous les avez rencontrés sans qu’ils puissent reconnaître
les lieux où se trouve notre temple sacré.
Trois coups de maillet
résonnèrent dans l’ordre convenu, celui que Sénat avait remarqué à la porte du
temple. Un homme lui prit le bras.
— Venez.
Et, rapidement, ils sortirent
de la pièce.
Le chemin du retour lui parut
interminable. Ils montèrent les marches, de nouveau leurs pas résonnèrent comme
si les souterrains qu’ils parcouraient étaient immenses. Les mêmes étranges
étourdissements le reprirent.
« Où cet endroit peut-il
bien être ? » se demanda-t-il encore. Il se promit de chercher
attentivement, dût-il fouiller le cadastre, tous les plans du quartier du
Louvre, sonder toutes les caves avoisinantes, celles des hôtels particuliers.
Mais si Vadier mettait la main sur les membres de cette confrérie, il les
ferait enfermer et selon toute évidence exécuter. C’étaient des
contre-révolutionnaires, des fédéralistes, mais méritaient-ils la mort pour
cela ?
Ils marchèrent, marchèrent.
Finalement, leur accompagnateur leur dit simplement :
— Voilà, nous sommes arrivés.
Vous compterez jusqu’à trente avant d’enlever vos bandeaux. N’essayez pas de
nous tromper. Votre vie est encore entre nos mains. Adieu, monsieur Sénart.
— Obéis, lui chuchota la fille.
Il y a certainement des tireurs embusqués.
Trente secondes plus tard,
frustré de ne pas avoir pu apercevoir ses ravisseurs, le jeune homme enleva son
bandeau. À côté de lui, Marie-Adélaïde faisait de même. Ils étaient à deux pas
du Louvre. Le pistolet de Sénart, ainsi que son sabre, gisait sur le sol à
quelques pas devant lui.
Il se retourna et fouilla du
regard l’obscurité parisienne. Rien, personne. Il devait être fort tard, le
milieu de la nuit sans doute.
Il se frotta les yeux en
maugréant :
— Nous avons été joués fort
proprement. Impossible de savoir où sont passés ces maudits ci-devant.
— Ils ont tenu leur parole, fit
remarquer la jeune femme. À toi de faire de même.
— Qu’ai-je obtenu ? Un
nom, un certain Saint-Germain. Comment le retrouver à Paris ? Si c’est un
noble, il se cache, il a pris un faux nom peut-être. D’ailleurs, tes amis ne
semblaient pas le tenir en haute estime. Qui est ce Saint-Germain ? En
as-tu entendu parler ?
Elle remettait sa coiffure en
ordre et pliait le tissu qui avait servi à leur confectionner un bandeau.
— Bien entendu. C’est un homme
extrêmement intéressant, très cultivé. Il a, semble-t-il, joué un grand rôle
dans la transmission des mystères maçonniques égyptiens dans notre pays et dont
tu as entendu une des manifestations ce soir.
Il avait bien noté de
nombreuses références à l’Égypte dans les discours du maître de la loge.
Cependant, tout cela ne tenait pas debout.
— S’il a inspiré ces gens,
pourquoi semblent-ils ne voir en lui qu’un imposteur ? Et pourquoi
aurait-il trahi ses frères pour rejoindre la Loge Noire ?
Elle lui sourit dans la
semi-obscurité de la rue seulement éclairée par la lune :
— Il est normal qu’ils se
méfient, citoyen. Saint-Germain est un homme très mystérieux et nul ne sait
quand il est né. Par contre, ce dont on est à peu près sûr, c’est qu’il est
mort. Depuis dix ans exactement.
6
Pendant qu’il digérait cette information, un nouveau problème lui vint à
l’esprit. On était au milieu de la nuit et il semblait délicat, sans demander
une escorte, de rejoindre la Petite Force. Que pouvait-il bien faire d’elle
cette nuit ? Vadier la lui avait confiée, et il ne fallait à aucun prix
qu’elle s’échappe. Qui sait si elle ne réitérerait pas sa tentative du début de
soirée. Il devait garder l’œil sur elle. Il n’avait donc pas le choix.
L’entrée de l’ancienne cour des
Suisses était défendue par une dizaine de gendarmes. Le sergent de la semaine
connaissait Sénart, il n’avait néanmoins guère d’estime pour les agents de Vadier
aussi exigea-t-il
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