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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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culotte
blanche brodée de lettres grecques. Une ample cape de velours rouge et une perruque
à triple rouleaux comme on en portait à l’époque de son grand-père complétèrent
cette étrange garde-robe.
    — Je ne peux tout de même pas
m’habiller ainsi. Ce serait vraiment trop… contre-révolutionnaire !
    Elle rit :
    — Tu passeras complètement
inaperçu de la sorte. Tu n’imagines pas l’effet que produirait ton uniforme
révolutionnaire. Va t’habiller derrière ce paravent, je vais moi-même me
préparer.
    Elle le planta là avec ces
frusques qui devaient sortir de l’atelier de costumier de quelque théâtre.
Sénart se déshabilla et s’en vêtit avec répugnance. Une glace trônait sur le
mur d’en face. Lorsqu’il eut posé la perruque, il s’y regarda et peina à se
reconnaître. Il lui semblait être revenu trente ans en arrière, à l’époque où
le vieux roi Louis XV recevait Saint-Germain, le charlatan, dans les salons
versaillais.
    — Mais tu portes très bien
l’habit dis-moi, citoyen !
    Elle était revenue : vêtue
d’une robe bleu nuit à l’antique, prise sous la poitrine, sans justaucorps ni
corset, qui moulait de manière indécente son jeune corps et lui donnait
l’allure d’une déesse égyptienne. Son ample chevelure sombre avait été relevée
en un chignon monumental qui évoquait les anciens modèles grecs. Pourtant, avec
son sourire enjoué, elle ressemblait à une adolescente se rendant à son premier
bal masqué.
    — Je n’ai pas toujours été au
service de la Révolution, bougonna-t-il. N’empêche, je persiste à penser que
nous en faisons trop.
    — Là où nous allons, le
« trop » n’existe pas. Le sobre nous ferait repérer comme une verrue
sur la face fardée de ton Robespierre. À propos de fard…
    Elle s’empara d’une boîte de
poudre et s’approcha de lui.
    — Allons, ne bouge pas.
Laisse-moi faire. Tu te rappelles ce qu’a ordonné Vadier.
    Il eut rapidement le visage
d’une blancheur d’albâtre et faillit éternuer lorsqu’elle approcha un peu trop
la brosse de ses narines.
    — Voyons, le chapeau maintenant.
    Elle tira de la malle un
tricorne surchargé de franges dorées et de verroteries.
    — Tu commences à ressembler à
un véritable alchimiste.
    Ils étaient prêts tous les deux
et, dans la glace, leur reflet formait un couple étrange.
    — Une fête n’en est pas une
sans masque. Allons !
    Et elle lui tendit un grotesque
accessoire de comédie italienne qui dissimula le haut de son visage. Affublé
ainsi, il était méconnaissable. Elle-même se dissimula le visage derrière un
voile de dentelle noire.
    Ils restèrent ainsi un instant
à se regarder dans la glace.
    — Ne sommes-nous pas
magnifiques ? soupira-t-elle en s’appuyant sur son épaule.
    Il tressaillit à ce contact.
Dans quel monde étrange l’entraînait-elle ? Il avait l’impression de
perdre pied petit à petit.
    — J’emmène néanmoins ce
pistolet, finit-il par laisser tomber en tirant son arme de son uniforme et en
la glissant sous son encombrante cuirasse. Je n’ai aucune confiance en ces
gens.
    Elle haussa les épaules.
    — Comme tu veux, mais les armes
ne peuvent rien contre Saint-Germain. Je te rappelle qu’il est censé être
immortel.
    — C’est ce que nous verrons.
    Puis ils étaient ressortis rue
de Tournon, où leur allure causa grand émoi. Les deux porteurs d’ordres qui
buvaient à une auberge au coin de la rue ne les reconnurent même pas et se mirent
à pousser de grands cris lorsqu’ils entrèrent dans la voiture.
    — Bande d’idiots, ne voyez-vous
pas que c’est moi !
    — Que la Faucheuse
m’emporte ! s’exclama Lepoulet. À quel carnaval vous rendez-vous
donc ?
    — À un sabbat infernal, gronda
Duglas. Secrétaire rédacteur, j’ai le regret de te dire que le citoyen Vadier
n’appréciera pas ce genre de plaisanterie.
    — Le citoyen Vadier m’a laissé
toute latitude quant à la manière de mener à bien cette mission. Assez
discuté ! À Ermenonville.
    La voiture remonta donc vers le
faubourg Saint-Martin pour quitter Paris.
    Le soir ne tombait que tard en
cette saison, aussi le ciel commençait tout juste à prendre une teinte rosée
lorsqu’ils parvinrent aux alentours d’Ermenonville.
    — Où allons-nous ?
    — L’accès au parc se fait par
le château. C’est là que le maître de ces lieux nous recevra.
    — Saint-Germain ?
    Elle eut un petit geste
d’impatience.
    — Non, le vieux marquis

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