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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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à s’incliner devant le mystère de la transsubstantiation, elle retomba
lourdement sur les planches du grenier. Celles-ci, bien vermoulues,
s’effondrèrent sous son poids. Il n’y avait en dessous qu’une mince couche de
plâtre qui céda aussitôt. La petite Donatienne se sentit tomber, tomber vers
les abîmes, elle qui avait tant espéré voir le paradis.
    Dans la chapelle archicomble,
il y eut un grand craquement dans les hauteurs. Aussitôt, des centaines d’yeux
s’arrachèrent à leur contemplation religieuse et se dirigèrent vers le ciel. Ce
fut une grande stupéfaction pour toute l’assistance de découvrir cette silhouette
vêtue de blanc sortie d’un récit biblique chuter telle une pierre. Un instant,
on aurait pu croire qu’elle volait, puis un bruit sec d’os brisés se fit
entendre lorsqu’elle atteignit l’autel. Alors, un immense cri s’éleva. Ce fut
une panique générale dans le lieu saint et, lorsque les premiers spectateurs
incrédules vinrent dégager le prêtre à moitié assommé lui-même, ils trouvèrent
le cadavre pantelant d’une toute jeune fille. Le visage d’une pâleur extrême,
une expression comme stupéfaite sur le visage. Elle s’était empalée sur le
lourd crucifix de fer qui trônait sur le maître-autel. La violence du choc
avait été si grande que le corps de la pauvre Donatienne avait été traversé de
part en part. On n’imagine pas toute la quantité de sang que peut contenir un
corps humain, surtout aussi frêle et délicat que celui-là. Presque tout le
chœur de la chapelle était maculé de rouge, jusqu’aux tentures blanches qu’on
avait disposées sur les colonnes. Les lys de la Vierge dégoulinaient du liquide
vital de la malheureuse.
    Au couvent, le scandale fut
énorme. Personne ne se rappela laquelle avait la première raconté cette
histoire absurde d’élévation lors de la consécration du pain et du vin. Par
contre, on accusa la mère supérieure de négligence. Par quelque hasard, on
trouva l’explication d’un ancien secret qui avait secoué le couvent une
vingtaine d’années auparavant. Il apparut que la mère supérieure avait fait
accuser une malheureuse à sa place. On trouva même l’endroit où elle avait
enterré le fruit de ses péchés.
    Marie-Adélaïde avait douze ans.
Toutes ces scènes, elle les avait vécues de façon anticipée et s’était par
avance réjouie de leur dénouement. Peu après, elle écrivit à sa mère pour
qu’elle la fasse sortir de cet endroit où régnait le scandale. Elle lui demandait
l’autorisation de rejoindre son beau-père qui tenait la boutique située à Paris
afin d’y devenir couturière.
    C’est ainsi que Marie-Adélaïde
enterra son enfance dans les miasmes du couvent des bénédictines et qu’elle
apprit à user de ses dons.

7
            
    « J’assure le Comité qu’il
ne m’a pas été possible de distinguer l’endroit où je me suis trouvé ni
l’identité des conspirateurs qu’il m’a été donné de rencontrer au cours de
cette nuit-là… »
    Sénart ouvrit les yeux et
considéra d’un regard embrumé les dernières lignes du rapport qu’il avait
écrit. Vadier en serait-il satisfait ? Pour l’instant, il s’en moquait
éperdument, ayant quelque peine à reprendre pied avec la réalité.
    Il se redressa avec difficulté.
Quelque chose bougea à l’extrémité de son champ de vision. Il tourna
brusquement la tête et resta un instant immobile devant le spectacle qui
s’offrait à lui.
    Marie-Adélaïde était couchée
sur son lit de camp, la couverture avait glissé, laissant apparaître une bonne
partie de sa nudité. La lumière du jour naissant s’attardait sur ses courbes.
Pourtant, il n’éprouva nul désir. Juste une sorte de trouble devant la
fragilité de la jeune femme. Et puis il distingua l’expression de son visage.
    Elle rêvait et s’agitait dans
son sommeil. Sa figure exprimait une grande souffrance. Il resta longtemps à la
contempler ainsi, ne sachant que faire. Puis quelqu’un frappa à la porte, rompant
le charme. Elle ouvrit les yeux.
    — Quelle date
sommes-nous ? Je t’en prie, dis-moi la date !
    Elle avait parlé d’une voix rauque,
comme une vieille femme.
    Il ne put que
bredouiller :
    — Je crois que nous sommes le
15 prairial…
    — Quelle année ?
    Elle avait presque crié cette
dernière question.
    — Euh, an II.
    Mais aussitôt, elle se reprit
et ouvrit de grands yeux étonnés comme surprise par sa

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