La Sibylle De La Révolution
rit.
— Ça, vous le savez, ma très
chère amie, ce n’est pas moi qui décide. Peut-être vous désignera-t-il ce soir,
mais peut-être pas. Et votre ami, est-il aussi intéressant que vous ?
Le vieux débauché avait jeté un
coup d’œil non dénué de lubricité au jeune homme. Celui-ci détourna les yeux,
gêné.
Elle prit la main de leur
hôte :
— Vous pouvez avoir toute
confiance en lui. Simplement, il ne possède pas toutes les connaissances
requises pour rejoindre votre saint ordre. Du moins pas encore…
— Hum, un apprenti… Votre
apprenti ! Voilà qui risque de surprendre notre maître. Sibylle, reine des
nuits, déesse de la magie, vous ne nous aviez pas habitués à venir accompagnée
mais soit, je l’accepte lui aussi. J’espère simplement qu’il saura se tenir…
Principalement si notre maître à tous jette son dévolu sur votre charmante
personne.
— Je l’ai prévenu. Pouvons-nous
maintenant nous rendre jusqu’à l’autel des cérémonies ?
— Certainement, je vous y
rejoindrai très prochainement. Je dois encore accueillir quelques frères et
sœurs. Vous connaissez le chemin.
Elle se releva et, après une
génuflexion ingénue à l’attention de leur hôte, elle fit signe à Sénart de la
suivre. Ils sortirent et se retrouvèrent rapidement de l’autre côté du château.
— Que voulait-il dire ?
— À quel propos ?
— Sur les obligations liées à
ton sexe.
Elle dissimula de nouveau son
visage sous le voile.
— Rien de très important. Ici,
lors de ces cérémonies, les représentantes du sexe féminin sont vouées à
l’étreinte commune. C’est-à-dire que chaque invité a le droit de les solliciter
et d’en jouir comme il l’entend.
Il s’arrêta, stupéfait.
— Mais, c’est monstrueux !
Elle haussa les épaules :
— Ne viennent ici que des
femmes dûment prévenues de cette clause.
— Ce qui veut dire que
toi-même…
— Je bénéficie d’un statut un
peu spécial. Personne n’exigera que je sacrifie à cette obligation tant que le
maître des lieux n’aura pas rendu publiques ses intentions à mon égard.
La vérité lui apparut en
face :
— Saint-Germain ! Et donc
à chacune de ces bacchanales…
— Il choisit une femme qu’il
nomme la Vierge, et de lui seul elle subira les ardeurs. Compte tenu de ma
réputation, il est possible qu’il me choisisse.
— Tu parles de cela comme s’il
allait t’inviter à danser, remarqua-t-il, acerbe.
— Ce serait le meilleur moyen
d’entrer en contact, tu ne trouves pas ? Oh, regarde comme c’est
beau !
Ils étaient sortis à l’arrière
du château, la lune éclairait maintenant le parc. À leur gauche, ils aperçurent
une petite maison qui ressemblait à des communs.
— C’est là que mourut le grand
Jean-Jacques, lui expliqua-t-elle.
Devant eux se trouvait un
étang. Plusieurs ponts le franchissaient. De l’autre côté, des cascades
construites à l’ imitation de la nature produisaient un bruit sourd et
hypnotique.
— Allons par là.
Le chemin les conduisit jusqu’à
une large digue qui menait à un deuxième étang beaucoup plus considérable que
le premier. Là, de nombreux visiteurs, pareillement masqués et costumés, discutaient
avec animation. Sénart remarqua de nombreuses femmes. Le chant des cascades
couvrait le bruit des conversations mais il put tout de même en surprendre
quelques-unes.
Un des hommes masqués, vêtu en
Poséidon, vitupérait devant l’assemblée :
— J’ai prouvé moi-même de
quelle manière il fallait s’y prendre pour trouver la pierre philosophale et
conquérir l’immortalité. Si j’avais pu poursuivre mon expérience, sans nul
doute serais-je parvenu à mes fins.
— Votre procédé, cher
Duchanteau, manquait un tant soit peu d’élégance, intervint la Sibylle.
Et, devant les autres masques
réunis là, elle expliqua :
— Figurez-vous que notre ami a
professé la théorie suivante : qu’on le fasse entrer nu dans une chambre,
qu’on l’y enferme, qu’on l’y surveille sans lui donner la moindre chose à boire
ou à manger pendant quarante jours et il en ressortirait avec la pierre
philosophale.
— Et quel était donc ce secret
mystérieux ? intervint une femme déguisée en vestale romaine, bien que son
apparence n’évoque en aucun cas la chasteté.
Malgré les réticences visibles
de l’intéressé, la Sibylle expliqua :
— Selon cet éminent alchimiste,
il lui suffirait pendant tout ce temps
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