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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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de n’absorber que son urine et de boire
ainsi sans cesse ce qu’il rendait.
    — Mon urine est la matière, mon
corps est le vase, et la chaleur est le feu, tenta de se justifier l’homme.
C’est ainsi que ces trois choses principales se trouvent dans le même sujet,
comme il est dit dans les plus secrets principes alchimiques.
    La vestale, dédaignant
l’exalté, se tourna vers Marie-Adélaïde :
    — Et qu’a donné cette expérience ?
    — Pas grand-chose. Au bout du
vingt-sixième jour, les frères des Amis réunis, loge à laquelle appartient le
sieur Duchanteau, décidèrent d’arrêter l’expérience car ils craignaient pour la
vie de leur frère et le tirèrent plutôt mort que vif de sa cellule. Il restitua
à peu près une demi-tasse d’une substance gluante, rougeâtre et d’une odeur
 – je vous laisse imaginer  – fortement balsamique. On dit qu’elle
constituerait une excellente médecine !
    Et ils continuèrent leur
promenade dans le parc, laissant les masques s’esclaffer.
    Plus loin, deux femmes
discutaient avec animation. Sénart put entendre une partie de leur
conversation :
    — Je l’ai lu récemment, te
dis-je, c’est un Suisse qui a vendu la recette à la loge des Amis réunis :
prends un jeune homme et une jeune fille tous deux vierges, unis-les par le
mariage sous une constellation marquée. Ensuite, que leur premier enfant soit
mâle et, dès la naissance, fais-le entrer dans un récipient de verre que tu
fermeras à chaud. Enfin, tu le mettras au feu pour qu’il devienne le
bienheureux sauveur du monde, médecine universelle et pierre philosophale…
    — Ils sacrifient des enfants
ici ? gronda-t-il à l’intention de sa compagne.
    — Ne t’inquiète pas, rit-elle.
Elles n’ont pas assez d’argent pour entreprendre un tel procédé. Ce ne sont que
songes creux et calembredaines.
    Ils franchirent ensuite un pont
nommé « pont de la brasserie » et continuèrent à longer l’étang. La
foule des masques les suivait, admirant le naturel de ce parc, les dolmens, le
« banc des vieillards », sortes de ruines artificielles très bien implantées
dans le décor. La lune s’était levée, ajoutant encore à l’étrangeté de
l’atmosphère.
    Sur un bloc de pierre, une
femme était couchée, comme une victime expiatoire. Elle paraissait fort vieille
sous son masque et sa tenue de naïade. Un homme, masqué lui aussi et tout de
noir vêtu, s’approcha et passa au-dessus d’elle un objet mystérieux, long et
contondant, que Sénart ne put identifier. Aussitôt, la femme se mit à trembler
de tous ses membres, puis ce furent de véritables convulsions, suivies de cris
perçants. Elle se tordait comme sous l’effet d’une force supérieure et
prononçait les mots les plus incohérents. Les passants applaudirent l’homme en
noir et poursuivirent leur chemin sans plus se soucier du sort de la
malheureuse.
    — Que fait-il là ?
demanda, surpris, le jeune homme.
    — Chut, c’est un disciple de
Mesmer, à moins d’ailleurs que ce ne soit Mesmer lui-même ou Bergasse, un
monarchiste qui bénéficie de la protection de Barère et qui a travaillé avec le
maître avant la Révolution. Tu assistes à une expérience de magnétisme animal.
    — Mais cette femme ne
souffre-t-elle pas ?
    — Nul ne le sait, expliqua la
jeune femme. Elle-même lorsqu’elle retrouvera son état normal ne s’en
souviendra pas. Selon Mesmer, un fluide magnétique subtil emplit tout
l’univers, il occupe l’espace entre toutes choses, entre l’homme, la terre, les
plantes, les étoiles, les planètes, et que sais-je encore. Si ce fluide se répartit
mal dans le corps humain, des maladies peuvent naître. L’homme que tu as vu a
emmagasiné une grande quantité de fluide grâce à une baguette métallique et
tente de le transmettre à sa patiente, d’où cette crise.
    Il maugréa :
    — Encore des théories fumeuses
et invraisemblables. Qu’est-il advenu de ce Mesmer ?
    Il a quitté Paris bien avant la
Révolution, sa méthode ayant été jugée dangereuse et immorale par une
commission royale. Mais, comme tu le vois, on ne s’embarrasse guère de tels
détails !
    Sénart se sentait de plus en
plus impatient. Il n’avait rien à faire ici. Tous ces gens méritaient de
croupir en prison, c’était certain, et se glisser au milieu d’eux pour les
abuser le gênait prodigieusement.
    — Ne t’impatiente pas, lui
glissa-t-elle, nous arrivons.
    Ils avaient continué à

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