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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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René de
Girardin a hérité de la demeure et imaginé ces jardins. Il les a faits dans l’esprit
de Jean-Jacques Rousseau, qui les a tellement aimés qu’il a souhaité y être
enterré… avant que ta Révolution n’ait décidé de l’en sortir pour le transférer
au Panthéon. Ce vieux libertin profite encore quelque temps de la présence de
son ami.
    — Le ci-devant Girardin est un
contre-révolutionnaire ! Un jacobin de la dernière heure. Ses agissements
font depuis longtemps l’objet d’une surveillance attentive de la part des
Comités.
    Elle approuva :
    — Il croyait en ta Révolution.
Certainement plus que beaucoup de députés qui siègent aux côtés de Robespierre
et de ses sbires. Mais il a deux gros défauts : l’amour des femmes et
cette fascination pour l’occultisme et le mesmérisme qui l’a fait condamner aux
yeux de tes supérieurs. Laisse-moi parler et ne dis rien.
    Ils arrivèrent en vue du
château. Pour les yeux inexpérimentés de Sénart, la campagne avoisinante
semblait abandonnée et en friche.
    — Ne te fie pas à ton jugement.
Ces lieux ont été aménagés dans le but de rapprocher l’homme de la nature.
Ah ! nous arrivons.
    Le château dressait ses deux
tours et sa haute façade devant leur voiture. Sénat remarqua immédiatement que
de nombreux équipages étaient stationnés là. Dans la pénombre naissante, à
peine éclairée de torches disposées sur la passerelle qui franchissait les
douves, il distingua quelques silhouettes excentriques qui se dirigeaient vers
l’entrée.
    — Allons-y. Laisse tes gardes à
l’extérieur, ils ne feraient que nous trahir et compromettre ta mission.
    — Vous ne devez pas dépasser
cette enceinte, ordonna-t-il aux deux cochers d’occasion. Le mieux serait que
vous restiez là à guetter notre retour. N’intervenez que si vous entendez des
coups de feu.
    Il lut dans le visage des deux
porteurs d’ordres suspicion et rancœur. Sans doute ces deux-là ne manqueraient pas
d’aller se soûler dans le premier estaminet venu. Il espérait seulement qu’ils
n’auraient pas la langue trop pendue et qu’ils n’attireraient pas trop
l’attention sur eux.
    Enfin, après avoir franchi les
larges douves, ils entrèrent dans le château. Sur le seuil, un domestique,
masqué lui aussi, leur posa cette mystérieuse question :
    — Quel âge avez-vous ?
    — Trois ans, répondit la
Sibylle avec assurance.
    Et ils passèrent.
    — Est-ce un signe de
reconnaissance ? lui chuchota-t-il.
    — Si l’on veut. Trois ans est
l’âge symbolique des apprentis.
    — Et que se serait-il passé si
j’avais dit mon âge véritable ?
    — Dans le meilleur des cas, ils
nous auraient jetés dehors. Mais il n’est pas à exclure qu’ils préfèrent
ensevelir les importuns dans les marais du parc. Girardin est aux abois et il
se méfie de tout le monde.
    — Mais alors, pourquoi
organiser de pareilles fêtes ? Il attire ainsi tous les soupçons.
    — Il cherche à élucider un
secret, et tous les moyens sont bons pour y parvenir.
    — Quel secret ?
    Elle lui jeta un regard
espiègle par-dessus son voile de dentelle noire :
    — Celui que cherchent tous les
hommes. Celui de l’immortalité bien sûr !
    Entrez !
    — Un majordome leur fit signe
d’avancer dans un vestibule. Ils obtempérèrent et se trouvèrent face au
marquis.
    — Voilà les deux jeunes
apprentis que l’on m’a annoncés. Ignorez-vous que seuls les maîtres sont admis
à ces travaux ? Les maîtres ou les très jolies femmes, ajouta-t-il avec un
clin d’œil à Marie-Adélaïde. Dans ce cas-là, vous n’ignorez pas les obligations
auxquelles vous tient votre sexe…
    Le marquis était âgé. Près de
soixante-dix ans sans doute. Sénart ressentit immédiatement une révulsion pour
le personnage. Maquillé, poudré, vêtu d’une ample robe de chambre brodée, il
leur parlait couché sur un sofa dans une attitude négligée. Contre toute
attente, Marie-Adelaïde éclata de rire :
    — Marquis, vous ne voudriez
tout de même pas me donner en pâture à vos invités.
    L’homme se redressa,
interpellé :
    — Comment ? Mais je
reconnaîtrais cette voix entre mille. Ma chère Sibylle, quel plaisir de vous
avoir enfin dans mon humble demeure. Il fallait vous faire reconnaître !
    Elle s’assit près de lui après
avoir retiré le voile qui dissimulait son visage.
    — Je voulais une entrée
discrète. Alors, marquis, vais-je subir le sort commun de vos invitées ?
    Il

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