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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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tandis que
Gerle lui imposait les mains :
    — Mon fils, prononça-t-elle
d’une voix chevrotante, je te reçois au nombre de mes élus, tu seras immortel.
    Puis elle lui baisa le front,
les oreilles, les joues, les yeux et le menton. Pour finir, elle prononça les
mots sacramentels en lui passant la langue sur les lèvres, sensation qui lui
arracha un frisson de dégoût :
    — Diffusa est gratia in labiis
tuis.
    Il lui fallut répondre par les
mêmes signes.
    « Marie-Adélaïde,
songea-t-il en embrassant à son tour la vieille femme, as-tu vu cela dans les
cartes ? »
    Alors, la mère de Dieu
déclara :
    — Fils de Dieu, élu de la mère
de Dieu, tu as reçu les sept dons, tu es immortel.
    Elle lui fit plusieurs signes
en forme d’équerre sur le visage. C’était la fin de la cérémonie. Il
redescendit dans la salle tandis que les frères et les sœurs réunis là le
congratulaient.
    « S’ils savaient qui je
suis », se dit-il en répondant tant bien que mal à ces sollicitations.
    La chanteuse et la colombe
entonnèrent l’air de « Charmante Gabrielle » dont on avait changé les
paroles :
     
    Au seul Être suprême
    Élevons tous nos cœurs
    Pour qu’il daigne lui-même
    Dissiper nos malheurs.
    Pour son nom, pour sa gloire
    Formons des vœux,
    Au champ de la victoire
    Courons heureux…
     
    Maintenant l’alcool circulait
parmi l’assemblée. Les langues se déliaient. Les yeux mystiques, rendus encore
plus brillants par le vin, ne voyaient plus les choses de ce monde. Des prophéties
incohérentes, des citations approximatives de la Bible, des querelles amicales
sur un point de la foi… personne ne faisait attention à lui. Il aurait pu se
mêler à ces groupes exaltés mais il avait un autre projet en tête. Au fond de
la salle, le faux Saint-Germain pérorait au milieu d’un groupe de jeunes
demoiselles qui buvaient ses paroles les yeux avides. Sans doute ne finirait-il
pas la nuit seul.
    « Voilà pourquoi il a
voulu pénétrer dans le cercle des frères de l’ombre, se dit Sénart. Il trouve
là de la chair fraîche pour assouvir ses désirs. »
    Peut-être ce cercle, réunissant
de nombreuses femmes, n’avait-il d’ailleurs été créé que pour fournir aux
membres secrets la nourriture charnelle dont leur esprit débauché avait besoin.
    Il eut un doute :
Marie-Adélaïde n’avait-elle pas elle aussi été conviée à ce genre de
sabbat ? Il en conçut de la jalousie et une certaine rage. De la tristesse
aussi.
    « Je commence à être
jaloux. Il ne faut pas, ma mission passe avant tout. » Il se concentra
donc sur le maître des lieux et sur la vieille femme.
    Gerle, toujours sur l’estrade,
aidait la mère de Dieu à marcher. Ensemble ils sortirent par l’alcôve. C’était
le moment.
    Profitant qu’on ne le regardait
pas, il se glissa lui aussi sur l’estrade et suivit leurs pas.
    Maintenant, les conversations
s’éloignaient. Il entendit les deux filles chanter d’une voix frêle :
     
    Marchons, frappons sans grâce,
    Tout profane insolent,
    Quiconque avec audace
    Serait récalcitrant.
    Mère de Dieu, puissante,
    Soutenez-nous,
    Phalanges combattantes,
    Entendons-nous.
     
    L’alcôve menait jusqu’à un
couloir obscur. Il le suivit : loin devant, il percevait une lumière. Sans
doute dom Gerle avait-il allumé une bougie. Il avançait à tâtons pour ne pas
trébucher. Cela dura ainsi un certain temps.
    « Mais où vont-ils
donc ? Cette maison n’est tout de même pas si grande ? »
    Puis le couloir s’arrêta
brutalement. D’abord un escalier de service, puis, au rez-de-chaussée, des
marches descendaient vers les profondeurs. C’était un escalier ancien et
glissant. Une vague lueur en provenait. Gerle et la prophétesse étaient
descendus. Il les suivit. Cela dura longtemps. Il y voyait à peine et il était
obligé, à défaut de rampe, de se tenir aux pierres disjointes. Il faillit
tomber une fois ou deux. Peut-être avaient-ils rejoint les souterrains,
nombreux dans ce très ancien quartier de Paris. Finalement, l’escalier
s’arrêta. Il se retrouva dans une salle. Aucun ornement, des murs bruts de la
même pierre que l’escalier. Au milieu, une petite table-bouillotte avait été
disposée, objet bien incongru dans cet environnement moyenâgeux. Une bougie s’y
consumait, donnant une lumière minuscule dans le souterrain. Partout, des
ombres entouraient le lumignon projetant d’énormes et obscures silhouettes sur
les murs. Sénart

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