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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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Beaucoup plus chétif et surtout beaucoup plus discret. Il
s’habillait avec soin mais gardait sans cesse la mine chafouine et évitait de
regarder son interlocutrice dans les yeux.
    Il finit néanmoins par lui
jeter un regard empreint de colère et lui dit avec sécheresse :
    — Femme, on m’a parlé de tes
pratiques. Sache d’abord que je voue un culte inconditionnel à la Raison et
déteste le charlatanisme, la tromperie et l’obscurantisme de tous ceux qui prétendent
éclairer le peuple souverain alors qu’ils ne font que l’abêtir pour mieux le
précipiter de nouveau sous la coupe des tyrans.
    Elle haussa les épaules.
    — Citoyen Robespierre, si tu
veux savoir ce qui va advenir, écoute-moi, sinon, franchis cette porte et ne
reviens jamais. Ton destin est à ce point marqué en lettres de feu dans le ciel
et ses arcanes que je n’ai même pas besoin de mes cartes pour le lire. Veux-tu
l’entendre ?
    Le jacobin hésita. Elle sourit
intérieurement. Il voulait savoir, il la craignait… Trop superstitieux, malgré
ses vantardises, il se ferait tuer sur place plutôt que de le reconnaître.
    — Soit, finit-il par laisser
tomber, mais prends garde. Je représente ici le peuple et si je m’aperçois que
tu me trompes, je n’hésiterai pas à revenir afin que sa justice impitoyable
s’exerce sur toi comme sur tous les faux haruspices et les devins malfaisants
qui encombrent les bas-fonds de la capitale.
    Il la noyait sous de pompeux
discours ? Elle n’allait pas le décevoir. Justement, la Gilbert avait
prévu le cas de clients particulièrement récalcitrants qu’il fallait effrayer
afin de leur faire cracher leur argent.
    Elle se leva pour aller
chercher un flacon de verre coloré et disposa sur la table un petit réchaud sur
lequel elle versa de l’encens.
    — Que fais-tu ?
demanda-t-il, étonné.
    Elle ne répondit pas, ôta le
bouchon du flacon et en absorba une large dose tout en jetant une poudre mystérieuse
sur le charbon ardent.
    Aussitôt, une fumée épaisse
envahit la pièce, un bruit de tonnerre retentit juste au-dessus de leur tête.
Robespierre sursauta, affolé. Lorsqu’il vit de nouveau la Sibylle, celle-ci
avait changé de visage. Elle avait une affreuse couleur verte sur la figure,
une chevelure hérissée et noire comme l’enfer, des yeux révulsés et entièrement
blancs qui le contemplaient sans le voir, et elle semblait prise de convulsions.
Une bave abondante moussait à la commissure de ses lèvres.
    — Robespierre,
Robespierre !
    — Quoi donc ? siffla-t-il
d’une voix haut perchée et criarde. Parle !
    — Avant que prairial ne se
passe, tu seras devenu un dieu, mais prends garde, thermidor verra ta chute et
ta mort. Ceux que tu pensais avoir soumis à ton pouvoir se rebelleront. Ceux
que tu croyais avoir écrasés se redresseront. Il y aura comme une vague venue
des profondeurs. Tous ces morts que tu as envoyés aux enfers, tous ces
innocents ou à peine coupables dont tu as fait répandre le sang reviendront te hanter.
Profite bien de prairial, Robespierre, savoure ton triomphe car il durera peu
de temps.
    À ces mots, Robespierre se mit
à trembler, elle vit son visage se défaire. Immédiatement, il se leva et sortit
en courant presque. Elle laissa alors éclater son rire.
    Flammermont, hilare, entra à
son tour dans le cabinet : c’était lui qui, surveillant les manigances de
sa maîtresse, avait fait tonner Zeus sur le maître du Comité de salut public.
Il ouvrit la fenêtre pour disperser la fumée tandis que Marie-Adélaïde remettait
sa perruque blonde et se débarrassait de la vilaine couleur verte qu’elle
s’était très vite répandue sur le visage.
    — Nous ne le reverrons pas de
sitôt, celui-là !
    Elle souriait encore, sachant
pourtant quel sort l’attendait.
    — Je crois bien que non, mais
il enverra ses sbires. Tu vas partir Flammermont et préviens M me  Gilbert
d’en faire autant. Paris va devenir dangereux pour vous. Robespierre me hait désormais.
    L’homme reprit immédiatement
son sérieux :
    — Robespierre, c’était bien lui
qui… ?
    Elle approuva :
    — Oui, c’était bien lui.
    — Mais alors, il faut que tu
partes toi aussi, continua-t-il avec affolement. Tu ne sais pas de quoi ils
sont capables, lui, son Comité et son Tribunal révolutionnaires ?
    — Je le sais, plus que tu ne le
penses et qu’il ne le pense sans doute lui-même, continua-t-elle avec
tristesse. Pourtant, mon destin est ainsi, je l’ai

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