La Sibylle De La Révolution
d’une
étrange sensation. Exactement comme lors de cette soirée-là. Un vertige.
— Voilà, tu vas pouvoir
avancer. Un pas. Au deuxième, tu trouveras la première marche.
Elle ne comprenait plus rien.
La voix du jeune homme s’était éloignée. Très haut au-dessus d’elle… Ou très en
dessous, elle ne parvenait pas à se décider.
— Jérôme, qu’est-ce qui se
passe ?
Elle avait peur. Un petit rire
tout aussi lointain lui répondit.
— Ne t’inquiète pas. Allons,
c’est assez de s’amuser. Voilà, tu vas pouvoir enlever ton bandeau. Tu risques
d’être surprise.
Elle s’exécuta, soulagée. Ses
yeux clignèrent. Heureusement, il faisait assez sombre dans l’endroit où elle
se trouvait. Il lui fallut un long moment pour se rendre compte de sa position.
Un entrepôt, vaste, rempli de
caisses vides. Mais tout avait moisi, le toit fuyait et on avait obturé les
fenêtres. Elle était le long du mur qui fermait le fond de la grande pièce, au
milieu d’un escalier de pierre. Gabriel-Jérôme, en contrebas, avait allumé une
bougie qui projetait une lumière tremblotante et la contemplait avec un
amusement non dissimulé.
— Je ne comprends pas, comment
se fait-il que je sois là-haut. Je suis descendue, non ?
— Certes, mais auparavant, tu
étais montée. Regarde.
Elle suivit du regard la
direction indiquée. En haut, au niveau des plus hautes marches de l’escalier,
elle découvrit un mécanisme assez étrange fait de poulies, de courroies et
d’une plate-forme qui devait coulisser le long de quatre longs piliers métalliques
verticaux qui montaient jusqu’au plafond.
— Tout ce voyage, ces détours,
cette descente dans les profondeurs de Paris n’étaient qu’une vaste
supercherie, expliqua-t-il en actionnant le mécanisme. L’entrepôt sent l’humidité
car il est construit le long de la Seine. On te place sur cette plate-forme et
hop ! On te fait monter et là tu commences la descente, jusqu’au palier et
là on recommence. Regarde, avec tout ce système de poulies, un homme seul peut
actionner le mécanisme.
Il s’exécuta. La plate-forme
redescendit vite mais sans aucun à-coup grâce aux quatre longues barres de
métal qui l’enserraient contre lesquelles elle glissait sur de petites
roulettes soigneusement graissées.
— Le système de poulie est
remarquable. Il y a au moins quatre moufles en haut, tu vois : une poulie
fixe et une poulie mobile. Ce genre de mécanisme est utilisé dans les mines
pour remonter le minerai. On ne sent absolument rien. Sauf cette légère impression
de vertige.
Elle finit de descendre
l’escalier, songeuse, et retrouva le jeune homme.
— Je te l’ai expliqué, il y a
de nombreux hommes de sciences parmi eux. Cette ingéniosité dans l’imagination
et dans la conception ne me surprend pas. Reste à savoir où se trouve le temple
maintenant.
Il montra du doigt le haut des
marches :
— Je vois une porte là-haut. Je
pense que nous devrions monter.
De nouveau, l’appréhension noua
la gorge de la Sibylle. Elle savait ce qu’elle allait trouver ou plus justement
elle appréhendait de découvrir ce qu’elle avait deviné.
— Tu as raison. Allons-y.
Gabriel-Jérôme sortit son arme
de dessous son gilet et arma le chien.
— On ne sait jamais…
Il emprunta le premier
l’escalier de pierre. Elle le suivit en tremblant.
En haut, ils trouvèrent bien
une robuste porte de chêne percée d’un judas triangulaire. Malheureusement,
elle avait été défoncée.
Marie-Adélaïde porta la main à
sa bouche :
— Nous arrivons trop
tard !
— Chut ! Allons-y.
L’arme pointée en avant, il
avança. Après un bref couloir, ils trouvèrent une pièce petite décorée de
signes maçonniques. Une bibliothèque avec des livres et des tapis au sol,
éclairée par un bougeoir à sept branches. Il retrouva l’ambiance très particulière
de l’endroit.
— Le pronaos ! Nous y
sommes.
Un courant d’air fit vaciller
les flammes. Ils tournèrent la tête dans la direction du vent. Une double porte
monumentale se dressait là. Au frontispice de cette entrée de style grec avait
été gravée cette phrase :
Que les préjugés et les
passions du monde profane ne pénètrent pas dans ce temple.
Telle la porte qui menait à
l’entrepôt, celle-ci avait été défoncée. Un des battants gisait sur le sol,
l’autre pendait, à moitié brisé. Au-delà, c’était le noir absolu. La jeune
femme restait sans voix,
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