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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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désespoir. Une Anglaise, menée au bûcher, dit au peuple : « N'accusez pas mes juges. J'ai voulu me perdre moi-même. Mes parents s'étaient éloignés avec horreur. Mon mari m'avait reniée. Je ne serais rentrée dans la vie que déshonorée... J'ai voulu mourir... J'ai menti. »
     
    Le premier mot exprès de tolérance, contre le sot Sprenger, son affreux Manuel et ses dominicains, fut dit par un légiste de Constance, Molitor. Il dit cette chose de bon sens, qu'on ne pouvait prendre au sérieux les aveux des sorcières, puisqu'on elles, celui qui parlait, c'était justement le père du mensonge. Il se moqua des miracles du Diable, soutint qu'ils étaient illusoires. Indirectement les rieurs, Hutten, Érasme, dans les satires qu'ils firent des idiots dominicains, portèrent un coup violenta l'inquisition. Cardan dit sans détour : « Pour avoir la confiscation, les mêmes accusaient, condamnaient, et à l'appui inventaient mille histoires. »
    L'apôtre de la tolérance, Châtillon, qui soutint, contre les catholiques et les protestants à la fois, qu'on ne devait point brûler les hérétiques, sans parler des sorciers, mit les esprits dans une meilleure direction. Agrippa, Lavatier, Wyer surtout, l'illustre médecin de Clèves, dirent justement que, si ces misérables sorcières sont le jouet du Diable, il faut s'en prendre au Diable plus qu'à elles, les guérir, et non les brûler. Quelques médecins de Paris poussent bientôt l'incrédulité jusqu'à prétendre que les possédées, les sorcières, ne sont que des fourbes. C'était aller trop loin. La plupart étaient des malades sous l'empire d'une illusion.
     
    Le sombre règne d'Henri II et de Diane de Poitiers finit les temps de tolérance. On bride, sous Diane, les hérétiques et les sorciers. Catherine de Médicis, au contraire, entourée d'astrologues et de magiciens, eût voulu protéger ceux-ci. Ils multipliaient fort. Le sorcier Trois-Échelles, jugé sous Charles IX, les compte par cent mille et dit que la France est sorcière.
    Agrippa et d'autres soutiennent que toute science est dans la Magie. Magie blanche, il est vrai. Mais la terreur des sots, lu fureur fanatique, en font fort peu de différence. Contre Wyer, contre les vraies savants, la lumière et la tolérance, une violente réaction de ténèbres se fait d'où on l'eût attendue le moins. Nos magistrats, qui, depuis près d'un siècle, s'étaient montrés éclairés, équitables, maintenant lancés en grand nombre dans le Catholicon d'Espagne et la furie ligueuse, se montrent plus prêtres que les prêtres. En repoussant l'inquisition de France, ils régalent, voudraient l'effacer. A ce point qu'en une fois le seul Parlement de Toulouse met au bûcher quatre cents corps humains . Qu'on juge de l'horreur, de la noire fumée de tant de chair, de graisse, qui, sous les cris perçants, les hurlements, fond horriblement, bouillonne ! Exécrable et nauséabond spectacle qu'on n'avait pas vu depuis les grillades et les rôtissades albigeoises !
    Mais cela, c'est trop peu encore pour Bodin, le légiste d'Angers, l'adversaire violent de Wyer. Il commence par dire que les sorciers sont si nombreux, qu'ils pourraient en Europe refaire une armée de Xerxès, de dix-huit cent mille hommes. Puis il exprime (à la Caligula) le vœu que ces deux millions d'hommes soient réunis pour qu'il puisse, lui, Bodin, les juger, les brûler d'un seul coup.
     
    La concurrence s'en mêle. Les gens de loi commencent à dire que le prêtre, souvent trop lié avec la sorcière, n'est plus un juge sûr. Les juristes, en effet, paraissent un moment plus sûrs encore. L'avocat jésuite del Rio en Espagne, Remy (1596) en Lorraine, Boguet (1602) au Jura, Leloyer (1605) dans l'Anjou, sont gens incomparables, à faire mourir d'envie Torquemada.
    En Lorraine, ce fut comme une contagion terrible de sorciers, de visionnaires. La foule, désespérée par le passage continuel des troupes et des bandits, ne priait plus que le Diable. Les sorciers entraînaient le peuple. Maints villages, effrayés, entre deux terreurs, celle des sorciers et celle des juges, avaient envie de laisser là leurs terres et de s'enfuir, si l'on en croit Remy, le juge de Nancy. Dans son livre dédié au cardinal de Lorraine (1596), il assure avoir brûlé en seize années huit cents sorcières. « Ma justice est si bonne, dit-il, que, l'an dernier, il y en a eu seize qui se sont tuées pour ne pas passer par mes mains. »
     
    Les prêtres

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