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la tondue

la tondue

Titel: la tondue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie de Palet
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un travail incessant, une belle-mère acariâtre, un père qui s’adonnait à la boisson et un frère encore presque un enfant…
    Elle excusa son père : ce n’était pas totalement sa faute s’il buvait. Il fallait voir comment le traitait sa femme quand elle avait ses fameuses périodes de bouderie…
    Elle raconta avec véhémence et colère l’histoire de Clémence, qui faisait le vide autour d’elle. D’abord la délicieuse grand-mère dépouillée de ses biens et de l’amour de son fils. D’elle-même, Yvette, qui avait été forcée à fuir ; et maintenant son père : il commençait à se détruire à cause de sa passion pour elle.
    David la laissa parler longtemps, puis il s’efforça de la rassurer. Rien n’était perdu, disait-il, pour son père et pour elle… Il termina en lui demandant :
    « Vous avez fui, mais vous êtes revenue ; pourquoi ?
    — Par force !
    — Comment ça ? »
    Elle comprit qu’elle avait parlé trop vite et essaya, de se rattraper.
    « Pendant la guerre, j’étais secrétaire à Paris… À la Libération, j’ai… j’ai eu tellement peur… et puis, j’ai.. _ j’ai perdu mon emploi… Alors, je suis revenue ici… Et maintenant, je suis là !…
    — Tiens, moi aussi, j’étais à Paris pendant la guerre…
    — Pas possible ! Et qu’y faisiez-vous ?
    — J’étais étudiant. »
    Elle eut peur, tout à coup, qu’il lui pose des questions sur son travail de secrétariat, qu’il lui demande pourquoi elle ne l’avait pas gardé, mais il ne dit rien.
    Après un moment, il reprit :
    « Quant à votre père, un bon désinfectant serai sûrement plus efficace que les feuilles d’ortie !… Ce soir, soignez-le vous-même. Enlevez le pus et désinfectez à fond la plaie.
    — Avec quoi ?
    — Ether, eau oxygénée, alcool, ce que vous trouverez dans votre pharmacie.
    — Je crois bien qu’il n’y a pas grand-chose.
    — Si vous n’avez rien d’autre, servez-vous d’eau-de-vie. Mais il serait plus sage de voir un docteur.
    — Je le sais bien, mais c’est inutile, ils ne veulent ni l’un ni l’autre. »
    Tout le soir, il resta avec elle et lui apprit qu’il était employé à la poste à Mende. Il travaillait dans un bureau.
    « Il y a longtemps que vous y êtes ? demanda-t-elle, en se rappelant le train de Paris et le jeune homme à la gabardine beige.
    — Non, seulement quelques mois. Je ne pense pas y rester plus d’un an.
    — Ah, si peu, fit-elle étonnée.
    — Oui mais – il la regarda – je pourrai peut-être prolonger un peu… »
    Il n’acheva pas. Mais cette simple phrase mit un peu de baume sur le cœur endolori d’Yvette.
    Ce soir-là, en rentrant, Yvette prit sur elle de soigner son père.
    « Laisse, dit-elle à la mère, à Paris, j’ai soigné des blessés. » Impressionnée, Clémence n’insista pas. «  Si ell e savait que c ’ est la p remière fois que je touche un b lessé  ! » pensa Yvette en découvrant la vilaine estafilade violette qui gonflait la jambe de son père jusqu’en haut de la cuisse et le faisait gémir par intermittence… Devant cette plaie béante, tout se brouilla à ses yeux… Elle se revit, à genoux, pleurant au pied d’un immeuble en ruine. Elle criait dans l’aube blafarde et enfumée de Paris en tenant, dans ses mains une autre main raide et froide…
    « Fritz, Fritz, non, non pas toi ! Tu n’as rien fait de mal. Pas toi ! Ce n’est pas possible !… »
    Une large entaille, d’où s’échappait un liquide noirâtre à demi séché, avait emporté une partie du front. Un trou béant remplaçait un œil tandis que l’autre la fixait d’un regard vitreux… La foule s’était agglutinée autour d’elle. Des visages grimaçants de haine lui lançaient des quolibets. D’autres la toisaient avec mépris…
    Des hommes au brassard blanc l’avaient tirée de son chagrin et l’avaient emmenée, sans ménagement, dans cette prison de femmes où elle avait retrouvé d’autres filles aussi paumées qu’elle.
    Yvette sortit de son rêve et, machinalement, pressa la plaie. Il en sortit un jet de pus verdâtre et les hurlements du père attirèrent la mère et Jacques.
    « Qu’est-ce que tu lui fais ? demanda celui-ci, inquiet.
    — Je désinfecte, sinon dans quelques jours, il faudra aller à l’hôpital. »
    À ces mots, chacun se tut. L’hôpital, dernière ressource, antichambre de la mort aux yeux des parents.
    La mère la regarda,

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