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la tondue

la tondue

Titel: la tondue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie de Palet
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fait un peu de marché noir… Il y avait des hommes et des femmes qui venaient de Mende, à vélo, chercher des œufs, du beurre… Et même quelquefois, la nuit, je crois bien qu’ils égorgeaient des brebis… Mais on n’était pas les seuls à essayer de se faire quelques sous… Et ça n’allait pas chercher bien loin… Non, il a dû y avoir autre chose… »
    La pensée de la boîte blanche revint troubler Yvette et elle fut sur le point d’en parler à Jacques. Elle se retint et dit seulement :
    « Pourquoi dis-tu ça ?
    — … Parce que… Au début de la guerre, ça devait être dans les années 41 ou 42, il a dû se passer une histoire… La mère n’arrêtait pas de discuter avec le père, le soir au lit. Je les entendais de ma chambre. Elle surtout parlait, parlait… On aurait dit qu’elle essayait de convaincre le père… Lui n’était pas d’accord, mais alors pas du tout !…
    — Pas d’accord pour quoi ?
    — Je ne sais pas. Ils n’en ont jamais rien dit devant moi. De toute la journée, pas un mot ; mais alors le soir !…
    — C’était au sujet de la ferme de Ségala ?
    — Non, c’était avant… Je me demande si ce n’était pas à cause d’Odile…
    — De qui ?
    — Oh, d’une amie de maman. Elle venait chercher le lait à la maison. Elles se sont connues comme ça. À cette époque, maman ne parlait que d’elle. Odile ci, Odile ça… Elle était couturière, et arrangeait, pour maman, les vieilles robes de mémé ; on ne trouvait pas de tissu pendant la guerre. Pour la payer, maman lui donnait des œufs et du beurre.
    — Et que lui est-il arrivé ?
    — Elle est partie, je crois…
    — Comment, tu crois ? Maman ne l’a pas su ?
    — Je suppose que si… Mais, en réalité, je n’en sais rien, je ne m’en suis jamais occupé… »
    Yvette sentit une réticence chez son frère, elle insista :
    « Mais enfin, comment cela se peut-il, que tu ne saches pas ce qu’elle est devenue. C’est bizarre, ton histoire ! »
    Jacques s’énerva :
    « Comment veux-tu que je le sache… Elle était belge et habitait au château… Elle était très jolie, et, un jour, elle m’a donné cent francs…
    — Pourquoi t’as-t-elle donné de l’argent ?
    — Elle m’a envoyé à Mende chercher des papiers… Un homme devait laisser tomber d’un journal une enveloppe grise, je devais la récupérer et partir. Je suis allé chez le marchand de journaux. Au moment où je saisissais L’Eclair, un inconnu s’est baissé en même temps que moi et m’a tendu un journal dans lequel il y avait l’enveloppe grise… J’ai payé et je suis sorti en vitesse… Je n’étais pas tranquille. Tout cela me paraissait louche mais j’avais besoin de cet argent. Comme tu le sais, la mère est plutôt pingre !
    — Tu n’en as parlé à personne ?
    — Penses-tu ! Je m’en suis bien gardé ! Je l’avais même oublié. C’est seulement quand les Allemands sont venus les arrêter que j’ai fait le rapprochement et là, j’ai vraiment eu peur.
    — Qu’est-ce que tu racontes. Les Allemands sont venus arrêter qui ?… Je ne te suis plus ! »
    Jacques soupira. Après un moment d’hésitation, il lui dit :
    « Ecoute, je vais tout te raconter. Maintenant, il n’y a plus rien à craindre. Mais, c’est drôle, je n’aime pas en parler… Voilà, c’était un couple de Belges, ou soi-disant tel. Ils étaient venus habiter le château juste après la débâcle de 40.
    — Le château ? Tu veux parler de cette vieille baraque branlante au bord du sentier du bois.
    — C’est cela même. Tout le monde l’appelle le château, je ne sais pas pourquoi… Comme ils étaient un peu en dehors du village, on ne les voyait jamais. Ils vivaient enfermés, sans sortir ni parler à personne. Cela a duré quelque temps, même que les gens d’ici en ont assez ri. Ils les prenaient pour des amoureux ou plutôt un couple…
    — Irrégulier ?
    — Oui. C’est ça. Mais tout amoureux qu’ils fussent, il fallait bien manger.Alors, un jour, Odile, la femme, est venue acheter des œufs, puis du lait, du beurre, du saucisson, enfin tout ce qu’elle pouvait trouver en produits de la ferme. Elle arrivait à midi quand tout le monde était à table. Quelquefois, elle frappait à la porte à la nuit tombée… On aurait dit qu’elle se cachait. Cela peut paraître bizarre aujourd’hui, mais à l’époque, il se passait tellement de drôles de choses que

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