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la tondue

la tondue

Titel: la tondue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie de Palet
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ahurie :
    « Laisse-moi le soigner avec mes feuilles. Je suis sûre qu’on n’aura pas besoin de l’hôpital.
    — Il va faire une infection si la plaie est mal nettoyée. Qu’as-tu dans la pharmacie ? »
    Elle amena une bouteille d’eau oxygénée aux trois-quarts vide et quelques cachets d’aspirine.
    « C’est tout ! s’exclama Yvette. As-tu de la goutte ?
    — Quoi ?
    — Allez, apportes-en !…
    — Oui. Cela me remettra », dit le père en levant la tête.
    La mère les regarda, perplexe, puis partit sans un mot, chercher l’eau-de-vie. Yvette en versa à même la plaie. Le père qui ne s’y attendait pas, eut un soubresaut de douleur ponctué par une longue plainte d’animal blessé.
    « Tu es folle ! Tu veux le tuer ! » s’exclama la mère en lui enlevant la bouteille. Elle s’en alla la ranger après avoir lancé à sa fille un regard assassin.
    Yvette laissa au père le temps de se remettre, puis elle nettoya soigneusement et banda la plaie avec de la charpie propre ; enfin, elle le quitta pour qu’il se repose.
    Elle sortit dans la cour ; après cette séance qui avait ranimé des souvenirs si douloureux, elle se sentait aussi déprimée qu’à son arrivée à la ferme.
    «  Et pourtant  », se dit-elle, «  je commençais à m ’ habituer à cette vie . » Elle songea : «  Je deviens comme Paulette  ; travail la semaine et repos le dimanche  ! » Elle n’en demandait pas plus… Elle avait la paix, c’était tout ce qu’elle voulait.
    Les souvenirs de Paris lui revenaient de moins en moins souvent ; mais quand ils frappaient à sa mémoire, elle se révoltait contre l’absurdité de la guerre, contre la monotonie de la vie au village qu’elle devait subir et tout lui paraissait futile…
    Elle partit sur le chemin de terre qui contournait la ferme et se perdait dans les champs. Le crépuscule traînait et s’illuminait d’une étrange lueur bleutée que l’obscurité envahissante n’arrivait pas à chasser complètement. Aucun son ne s’élevait de la campagne endormie. La rivière jasait à mi-voix, à deux pas du village et berçait seulement la rêverie…
    Et Yvette marchait, marchait tout en revivant sa vie parisienne. Une angoisse insurmontable lui serrait les mâchoires comme dans un étau et retenait les larmes qui lui brûlaient les yeux.
    Ce n’était plus les éteules vides qui s’étalaient, là, en pleine campagne ; mais les grands boulevards de Paris foulés par des bottes impatientes… Elle regardait défiler les soldats tandis qu’une voix susurrait à son oreille :
    « Tu vois, Yvette, cette armée est la meilleure du monde. Je suis fier d’en faire partie… »
    Revenaient aussi les mots doux qu’il aimait lui murmurer, le soir :
    « Mais, je l’aime, moi, la France puisque je t’aime et que tu es française… Après la guerre, je t’épouserai… Depuis ma plus tendre enfance, j’ai voulu vivre en France. J’ai appris le français dans cet espoir… La France, c’est ma seconde patrie, car c’est celle de Voltaire, de Rousseau, d’Hugo et de Delacroix… Petite fille, la guerre ne durera pas toujours, tu verras, Yvette, tu verras comme nous serons heureux !… »
    Hélas ! Tout s’était terminé un matin d’août, dans une rue sale et noire du vieux Paris… Et après, l’horreur.
    Interrogations, injures, grossièretés, elle en avait supporté, des insultes, avant de se voir libérée, sa chevelure en moins, sous les moqueries de la foule…
    Elle s’assit au bord d’une haie et tenta de se rappeler les traits du visage de Fritz. Ils s’estompaient déjà dans sa mémoire et cela lui fit mal de l’avoir si vite oublié… Une tristesse infinie semblait ruisseler de cette nature hostile qui la retenait prisonnière autant, sinon mieux, que de lourds barreaux de fer.
    Elle se vit enfermée, sa vie entière, dans le village, entourée de gens indifférents, sans distractions, sans amis, alors elle laissa échapper un cri d’animal pris au piège et éclata en sanglots…

IX
    Mauvais souvenirs
     
    Le père allait mieux. Le remède de cheval appliqué par Yvette avait porté ses fruits. Bien sûr, il traînait toujours la patte et la plaie était encore vilaine à voir, boursouflée et violacée, mais il n’y avait plus de pus et l’aine ne le faisait plus souffrir. Chaque matin et chaque soir, Yvette, bien malgré elle, se retrouvait infirmière. Avec angoisse, elle redoutait la visite des

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