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la tondue

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Titel: la tondue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie de Palet
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terribles souvenirs qu’elle préférait oublier.
    Mais non, pendant ces pansements quotidiens, c’était la jambe de son père qu’elle soignait et non une autre blessure. Elle soupirait de soulagement à la fin de chaque séance et attendait avec anxiété la suivante.
    Un matin, ils étaient seuls et son père lui dit brusquement : « Ce n’est pas vrai, que tu as soigné des blessés, pourquoi as-tu dit ça à Clémence ? »
    De saisissement, elle faillit laisser tomber la bassine d’eau chaude qu’elle tenait à la main.
    « Co… comment le sais-tu ?
    — Il ne faut pas être bien malin pour le voir, tu t’y prends d’une drôle de façon ! » Il reprit tout de suite : « Ce n’est pas que tu le fasses mal… Non, ce n’est pas ce que je voulais dire… Mais on voit bien que tu n’en as pas l’habitude… » Il se tut un long moment, la regardant dérouler la charpie et faire un bandage maladroit autour de la jambe malade, puis parla à nouveau : « Ne te fâche pas, mais, dis-moi, pourquoi as-tu dit ça ?
    — Je ne sais pas…
    — Voyons, tu nous caches quelque chose. Je sais que ce n’est pas facile, mais tu aurais pu m’en parler, à moi… Tu sais, personne n’est parfait. Si tu as fait une bêtise à Paris, tu n’es pas la seule responsable. Tu étais si jeune quand tu es partie ! Je n’aurais jamais dû te laisser monter à Paris ; ma pauvre mère me l’a assez reproché… »
    Brusquement, Yvette se mit à pleurer à gros sanglots qui la secouaient toute entière. Elle s’affala sur une chaise, les bras sur le dossier et la tête cachée, hoqueta longuement. Son père se taisait, respectant son chagrin.
    À la fin, relevant les yeux, Yvette dit en reniflant :
    « Oh ! Papa, merci. Tu es le seul de toute la famille qui se soucie de moi… Mais, je ne peux pas te dire mon secret… Il est encore plus terrible que ce que tu crois… Si tu le savais, tu me mettrais dehors.
    — Cela m’étonnerait fort, répondit le père en souriant ; tu es ma fille et je t’aime ! » Cette parole alla droit au cœur d’Yvette et lui fit remonter les larmes aux yeux.
    « Oh ! Papa !… » Et elle se jeta dans ses bras.
    La mère rentra alors, les regarda et cela suffit à les séparer.
    « Hé bien, vous donnez dans le sentiment, maintenant !
    — Je disais merci à Yvette, grâce à ses soins, ma jambe a l’air de s’arranger.
    — Merci pour tout ce que j’ai fait, lança la mère les lèvres pincées…
    — Mais non, Clémence, ne te fâche pas. Toi aussi tu m’as aidé à guérir, tu m’as bien soigné…
    — N’empêche que maintenant, c’est cette pimbêche qui empoche les remerciements !
    — Oh ! s’exclama Yvette les yeux agrandis.
    — Comme toujours, tu exagères… Il te faut tout faire et tu ne supportes pas qu’on t’aide », la flatta le père.
    Clémence sortit en haussant les épaules et Yvette encore sous le coup de l’émotion, s’en alla à son tour Qu’avait donc la mère pour la traiter de la sorte ? Elle lui avait jeté un tel regard de haine qu’elle en tremblait encore. Elle se secoua, pensa à son père qui l’avait si bien devinée, à David. Il lui avait laissé entendre qu’il prolongerait son séjour pour elle… Cela la réconforta un peu.
    Au fond d’elle-même, un poids lui écrasait le cœur : la mère ne l’aimait pas !…
    Les jours raccourcissaient. Le soir, toute la famille se retrouvait, le père y compris, sa jambe malade allongée sur une chaise, pour effeuiller des brassées de branches de frêne. Jacques les ramenait, en fin de soirée, au pas lent de ses bœufs. Il était un champion d’émondage. Agile comme un écureuil, il montait en un temps record au sommet du plus haut des arbres. En un tour de main, armé d’une petite hache, il détachait une pluie de branches. Il ne laissait, dans les haies dépouillées, que de noirs squelettes pointant vers le ciel leurs troncs mutilés. Son char rempli jusqu’aux ridelles, il ramenait, chaque jour, sa récolte à l’odeur amère.
    Après le souper, à la lueur incertaine d’une ampoule électrique qui se balançait au bout d’un fil, tout le monde prenait place sous le hangar et effeuillait en silence. Yvette finit par remarquer que, bien que le portail soit ouvert, personne ne s’arrêtait pour échanger quelques mots, comme il était d’usage de le faire autrefois. Elle se rappelait la période insouciante de son enfance et les longues

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