la tondue
entrain et restait de longs moments songeur, laissant ses yeux se perdre dans le vague.
« Ne t’en fais pas, maman va mieux, elle reviendra bientôt. Ce n’est qu’une question de jours, lui répétait Yvette, qui ne comprenait pas le désespoir de son frère.
— Je sais, lui répondait-il, mais la maison est toute drôle, quand elle n’est pas là ! J’ai du mal à m’y habituer. »
Il s’éloignait, cherchait à tuer le temps dans une de ses mystérieuses occupations qui le pliait sur un moteur, « quel qu’il soit, en une observation muette et immobile.
Le père gémissait sans cesse :
« Pauvre Clémence ! Il fallait bien que cela nous arrive, mais qu’allons-nous devenir ?…
— Mais papa, elle va mieux, laisse faire le temps ! »
Le père haussait les épaules et partait chercher un autre oisif auquel il pourrait raconter ses malheurs…
Yvette donc, se retrouvait seule la plupart du temps. Elle décida, un matin, de jeter un coup d’œil à ces fameuses boîtes qui paraissaient receler de si terribles secrets. Elle ouvrit d’abord la boîte blanche et examina les papiers qu’elle avait écartés d’une main impatiente avant de partir à la fête. Elle trouva des titres de propriété d’un magasin “À la zibeline” situé à Paris sur les Champs-Elysées. C’était un magasin de fourrures… Il appartenait à Jean Lefair et à son épouse, née Odile Lévy. Ces noms ne lui apprirent rien. D’autres titres et des bons ne la renseignèrent pas davantage. Alors, elle prit les photographies jaunies et les regarda attentivement.
Des personnages inconnus souriaient à l’objectif. Sur l’une d’elles, un jeune garçon d’une quinzaine d’années la fixait gravement.
« Tiens, on dirait David », songea-t-elle distraitement.
Elle continua à faire glisser les images, de fêtes de famille en arbre de Noël, de photos de classe enjeux à la campagne, elle voyait grandir deux garçons sous ses yeux.
Tout à coup, elle poussa un cri :
« Ça, c’est David !… C’est sûr ! Mais que fait-il donc là ? »
Elle contempla longtemps le cliché. David était debout derrière un couple, probablement ses parents, car elle retrouvait sur son visage les mêmes traits, en plus viril, que ceux de la jeune femme. Il avait posé un bras nonchalant sur l’épaule de sa mère blonde et souriante. Un homme plus âgé les regardait amoureusement et l’autre garçon, sans doute l’aîné, se tenait raide et sérieux, posant pour la photo. Elle retourna l’image et lut :
“Paris, 17 juillet 1936.” A. M.
Qui était A. M. ? Et pourquoi la photo David se trouvait-elle là ?
Elle glissa le cliché dans sa poche, négligea les bijoux et ferma la boîte. Elle ouvrit l’autre et y découvrit quelques lettres dont l’enveloppe avait été enlevée. Visiblement, ces missives n’avaient jamais atteint leur destinataire.
Avec un peu de répugnance, elle se décida à lire cette correspondance oubliée.
« Si je veux connaître toute l ’ histoire , je suis bien obligée de les lire », répondit-elle à la mise en garde de sa conscience.
Ces lettres racontaient des banalités qui la découragèrent vite jusqu’au moment où elle comprit que, sous ces phrases apparemment banales, se cachaient des messages, des conseils ou des confidences qui, pour elle, resteraient à tout jamais des énigmes…
La dernière lettre du paquet, couverte de ratures et d’une écriture tremblée, paraissait avoir été faite sous le coup d’une grande précipitation. Les phrases, heurtées, inachevées et barbouillées par endroits, suaient la peur. Yvette, en la lisant, revivait le calvaire d’une personne inconnue et pourtant immensément présente, à qui l’on avait arraché un être cher…
Elle restait perplexe. Cette lettre la tracassait comme si cette histoire l’eût concernée. Elle sentait monter une angoisse sourde et diffuse qu’elle n’arrivait pas à chasser malgré toutes les bonnes raisons qu’elle se donnait…
Et puis il y avait cette photo ! Elle en était encore troublée davantage. Pourquoi la mère avait-elle ces photos ? Et pourquoi les cachait-elle ?
Le soir du cochon, elle avait reconnu David. Yvette était certaine qu’elle n’avait pas lancé sa fameuse phrase : « C’est un juif », sans en être absolument sûre.
Mais oui, c’était cela : elle connaissait David !
Yvette se rappelait, maintenant, le regard intrigué et gêné
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