la tondue
pendaient des panneaux de dentelle complétés par des doubles rideaux en moire chatoyante, assortie aux dossiers de deux fauteuils Voltaire dans des tons feuilles mortes.
Yvette en resta muette de stupeur et d’étonnement !
Elle commença son travail, lava, rangea et remit tout en ordre. Elle emporta les draps puis revint pour refaire le lit. Elle constata alors que l’armoire était fermée et que les clés n’étaient pas sur les portes. Elle comprit alors l’aparté de la mère avant le départ pour l’hôpital : elle ne voulait pas qu’Yvette fouille dans ses affaires !
Cela l’intrigua au plus haut point. Elle attendit midi et demanda à son père où se trouvaient les draps. Elle lui expliqua qu’elle avait dû les changer après l’accident.
« La mère a dit qu’il fallait que tu ne touches à rien. Elle a même emporté la clé. Alors, tu vois…
— Mais je ne peux pas remettre des draps sales !…
Il faudra bien ouvrir cette porte !… Et puis, toi aussi, tu y as tes habits, on ne peut pas rester comme ça ! »
Le père se gratta la tête, hésita et avoua enfin :
« Elle m’a laissé une des clés. Mais je ne devais pas t’en parler. Elle dit que tu fouilles partout… Tu sais, elle a son caractère, s’excusa-t-il.
— Écoute, papa, je ne vous veux pas de mal. Que pourrais-je trouver, là-haut, que je ne doive pas savoir ? Vous avez des secrets, tous les deux ?
— Non, non, balbutia le pauvre homme, mais ta mère a toujours aimé faire ses affaires toute seule… Moi, tu sais, je la laisse se débrouiller. » Il redressa le torse et ajouta fièrement :
« Il faut reconnaître que depuis que c’est elle qui s’occupe de tout, les choses marchent nettement mieux… Tiens, dit-il en lui tendant la clé, prends les draps et tout ce qu’il te faut. Quand Clémence reviendra, tu me la rendras et elle n’en saura rien. Mais surtout, ne touche à rien, ne déplace rien… Elle piquerait une de ses crises si elle le savait, et on n’aurait pas fini… »
Le père partit, Yvette monta et ouvrit l’armoire d’un coup sec. La clé suffisait pour les trois portes. Tout était minutieusement rangé : habits d’un côté, draps et linge de l’autre. Dans le fond, s’entassaient de vieux draps ou chemises prêts à être découpés pour faire des torchons. L’armoire avait l’air bien ordinaire et ne semblait détenir aucun secret. Yvette sortit des draps, refit le lit, l’esprit toujours occupé par cette maudite armoire et son aspect trop inoffensif pour être honnête…
Quand elle eut tout terminé, elle entreprit de chercher méthodiquement ce que la mère avait voulu lui cacher. Elle souleva des piles de draps, des paquets de linge, fouilla les chaussettes et les chemises du père… Rien !…
Il n’y avait rien nulle part. C’était stupide de perdre son temps ainsi, alors qu’elle avait tant à faire !
Et puis, en passant les mains dans “des peilles” – restes de tissu, draps déchirés et chemises inutilisables –, elle découvrit la petite boîte blanche qu’elle avait vue le soir de la fête, dans sa chambre. Il y en avait aussi une autre plus grande.
Toutes deux étaient enveloppées dans ces vieux chiffons et placées au milieu de ce fatras. Elles en devenaient presque insoupçonnables pour quelqu’un de non averti.
Yvette, alors, poussa un profond soupir et s’installa pour en prendre connaissance.
Quand elle ouvrit la première boîte, qu’elle avait déjà vue, elle entendit son père et Jacques entrer bruyamment dans la cuisine. Elle emporta les boîtes dans sa chambre pour les étudier à loisir et les cacha au fin fond de la commode. Elle remit la clé en place et descendit retrouver le père en disant :
« Voilà, le ménage est fait ! »
XV
Les lettres volées
Les jourssuccédèrent aux jours. La mère avait été opérée et sa jambe allait pour le mieux, d’après les médecins.
Le père partait la voir tous les deux jours. Quelquefois, il trouvait une voiture qui voulait bien l’emmener, mais la plupart du temps, il traversait le causse, malgré la neige qui stationnait encore sur le plateau et la bise qui, sur les hauteurs, soufflait sa froide haleine sur les pins rabougris.
Le travail retombait sur les épaules de Jacques, qui ne se plaignait pas mais n’avait plus le temps de courir le pays à vélo comme il aimait tant le faire auparavant. Depuis l’accident de la mère, il avait perdu son
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