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la tondue

la tondue

Titel: la tondue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie de Palet
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couchaient lentement, comme à regret, courbatus et fiévreux, pour ne plus se relever… Dans leurs grands yeux brillants, une douleur indicible et muette se tapissait.
    L’épidémie avait commencé chez les Maury, les parents de Paulette, Yvette se rappelait encore sa rencontre avec Paulette à la fontaine. Cette dernière lui avait crié :
    « N’approche pas, on a la maladie ! »
    Sur le moment, Yvette n’avait pas compris, et avait rétorqué aussitôt :
    « Pourquoi ne veux-tu pas que je m’approche, tu as peur que je l’attrape ?
    — Non, pas toi, mais tu pourrais la porter dans ton étable, ce n’est pas la peine de contaminer tout le pays si on peut l’éviter… »
    Paulette était partie, dans le soir finissant, un seau au bout de chaque bras et Yvette avait compris que cette maladie dont elle entendait parler pour la première fois était quelque chose de grave qui menaçait toute la vie du village puisque, maintenant, chacun serait obligé de demeurer chez soi…
    Au fil des jours, les fermes tombaient sous la coupe de la maladie, les unes après les autres… C’était misère de voir les champs désertés, les étables silencieuses et les rues du village hantées par des hommes au visage fermé, qui parlaient bas comme s’ils se fussent trouvés au chevet d’un membre de leur famille sur le point de trépasser.
    Et par une après-midi étouffante, alors que le village était plongé dans une sieste bien méritée, la mère, qui ne dormait jamais, prétextant un travail urgent à terminer, était descendue à l’étable de sa démarche claudicante et en était remontée bouleversée :
    « Les bêtes, les bêtes ont la fièvre ! »
    Toute la famille avait couru pour regarder les pauvres animaux bavants et boitillants, dans un silence proche des larmes.
    Le père s’était arraché le premier à ce spectacle qui lui brisait le cœur. La mère allait d’une vache à l’autre, répétant sans arrêt :
    « Mais toi aussi la Rousse, et toi la Baissounne, même toi la Fleurie ! »
    C’était comme une incantation qu’elle répétait sans jamais s’arrêter et qui résonnait, lugubre, sous la voûte de l’étable.
    Yvette demeurait là, impuissante, devant ces pauvres animaux qui ne comprenant pas ce qui leur arrivait, lançaient des regards implorants vers leurs maîtres. Elle ne put supporter cet appel silencieux et déjà résignée, elle cria, des sanglots dans la voix :
    « Mais, pourquoi donc ne va-t-on pas chercher le vétérinaire ?
    — Il n’y a rien à faire, répondit le père qui était revenu, rien, rien… qu’à les faire abattre !
    — Mais ce n’est pas possible ! Il faut tenter quelque chose, on ne va pas laisser mourir tout ce bétail ! »
    Jacques, fataliste, haussa les épaules :
    « Et voilà, le travail de toute une vie… Voilà, maintenant il faudra repartir à zéro… »
    Il se dirigea vers le coin où les quatre grands bœufs le regardèrent approcher avec étonnement, de leurs grands yeux tristes. Jacques, bouleversé, ne put résister à ce regard. Il saisit un aiguillon qui se trouvait à sa portée et le brisa sur son genou, ensuite il lança les morceaux et se sauva en courant… Yvette n’eut que le temps d’apercevoir son visage inondé de larmes ; déjà, il avait disparu de l’étable…
    Elle se tourna vers son père. Lui aussi paraissait plus qu’ému mais il ne dit rien et, les épaules un peu plus voûtées, il s’achemina lentement vers la maison…
     
    Le repas du soir se déroula en silence. Chacun suivait le fil de ses pensées et personne n’avait faim. Les plats repartirent à peine entamés. La table débarrassée, Jacques se leva, regarda brièvement son père et lança à la ronde :
    « Quand on aura fini les moissons, je partirai à l’armée. »
    La mère sursauta :
    « Pourquoi ? Attends qu’ils t’appellent ; tu as peur qu’ils t’oublient ?
    — Non… Mais j’ai réfléchi. Il faut vendre le bétail, alors avant d’en acheter d’autres, autant que j’aille faire l’armée, on verra à mon retour… »
    Le père répondit, à la hâte :
    « Mais il faut bien qu’on vive. On ne peut pas rester sans bêtes… Quand on aura tout désinfecté, on ira à la foire pour essayer de trouver d’autres bêtes. Pour les semailles d’automne, il faudra commencer par les bœufs. Misère de misère, ceux que nous avions étaient si bien dressés…
    — Non !
    — Quoi, non ? Il

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