la tondue
n’est pas contre vous. Il veut une ferme moderne avec un travail moins dur, il vous l’a déjà dit, et je crois qu’il a raison.
— Bien sûr qu’il a raison… Et son tracteur, il l’aura, je me fais forte de convaincre ton père.
— Il a dans la tête de grandes réparations et pour pouvoir les faire, il veut emprunter…
— Ça, non, on le lui a déjà dit.
— Tu vois bien, toi aussi, tu ne veux pas comprendre. »
Clémence se tut et regarda Yvette avec un sentiment d’agacement et de douleur mêlés :
« Comment peut-il, mais comment peut-il vouloir mendier de l’argent, alors qu’on en a bien plus qu’il n’en faut pour faire tout ce qu’il veut… »
Yvette resta muette de saisissement. Elle entrevit, en un éclair, les parents de David fuyant, dépouillés de tout…
Clémence, toute à ses pensées, ne s’aperçut de rien. Alors, la jeune fille partit au loin savourer sa rancœur.
XXIII
Confidences
« Yvette, il faut que je t’apprenne quelque chose.
J’ai demandé à Paulette de ne pas t’en parler parce que je voulais être le premier à annoncer la nouvelle à ma petite sœur chérie. »
Yvette, intriguée, regarda son frère sanglé dans l’uniforme qui l’avantageait et qu’il paraissait apprécier, au grand dam de sa mère
« Qu’est-ce que c’est que toutes ces cachotteries ? demanda-t-elle en souriant, ne me dis pas que tu vas t’engager !
— Non, ce n’est pas ça du tout. Je le laisse penser aux parents pour qu’ils réfléchissent un peu et arrêtent de me mettre des bâtons dans les roues, mais j’aime trop mon pays pour penser le quitter… Tiens, avançons par là, lui dit-il en lui prenant le bras, désignant un chemin de terre qui s’enfonçait en serpentant dans un bois de frêne.
— Yvette, je vais épouser Paulette. »
Yvette sursauta :
« Mais, elle ne m’en a rien dit ! »
Elle était vexée que la seule amie qu’elle eût dans le village, lui eût caché une pareille nouvelle…
« Non, elle ne t’en a rien dit parce que je le lui avais défendu. Nous avons des secrets, nous deux, dit-il en la regardant, et il faut nous expliquer avant de mettre Paulette au courant. Et… si, si, laisse moi continuer – il lui mit une main sur la bouche pour étouffer ses protestations…
« Donc, depuis que je suis parti, j’écris à Paulette. Au début, c’était pour passer le temps et recevoir des nouvelles du pays, et puis, peu à peu, nos lettres ont changé ! Je ne sais pas si c’est elle ou moi qui en avons modifié le contenu, mais je sais que notre correspondance est devenue très intime et que nous nous plaisons…
— Tu sais, une lettre, ce n’est pas commode pour se connaître.
— Bien sûr, aussi, quand je suis venu en permission, nous nous sommes rencontrés souvent et avons appris à mieux nous connaître et à nous apprécier de plus en plus… Ce n’est pas la première fille que je courtise, mais je n’ai jamais éprouvé pour aucune ce que je ressens pour elle. »
Jacques se tut, un sourire sur les lèvres, l’air extasié.
Yvette se remettait difficilement de sa surprise :
« Je n’aurai jamais deviné, dit-elle en hochant la tête. En tout cas, Paulette est une sacrée comédienne…
— Mais non, je ne voulais pas que tu saches et que tu te poses un tas de questions auxquelles Paulette n’aurait pas pu répondre. Car, ajouta-t-il en souriant, tu t’en poses des questions, n’est-ce pas ? »
Elle haussa les épaules et le regarda gravement :
« Jacques, je suis peut-être mal placée pour te faire la leçon mais, es-tu sûr de toi ? Il me semble que tu étais — ne te vexe pas – un peu tête en l’air, irresponsable même, et maintenant, tu parles de te marier !
— Oh, le mariage n’est pas pour tout de suite… Il y en a encore pour quelques années. Tu as raison de dire que j’étais insouciant. J’étais comme tous les jeunes qui s’en remettent à papa maman. Que veux-tu, je n’avais jamais connu que ça… Je suppose que, pour toi, ça a été plus dur, tu n’as jamais connu cette insouciance, est-ce que je me trompe ? »
Elle fit “non” de la tête, la gorge serrée, incapable de prononcer une parole…
« D’abord, reprit Jacques, voici nos projets : nous voulons nous marier quelque temps après mon retour du régiment, quand les parents seront bien persuadés que nous ne voulons pas habiter chez eux.
— Comment ça ?
— Nous ne
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