la tondue
que tu risques, il t’a déjà quittée, de toute façon, alors… »
XXIV
La lettre
C’est peu après cette entrevue que la lettre arriva…
« Ma chère Yvette,
Je n’en peux plus… Je crois que nous devons nous expliquer.
Quoi que tu aies fait, quoi que j’aie vécu, c’est le passé.
Nous devons nous revoir pour en discuter sereinement et nous verrons alors si nous pouvons nous entendre ou s’il vaut mieux nous séparer et changer le cours de notre vie. Ce sera peut-être dur, mais tout vaut mieux que cette incertitude et cette séparation sur le coup de la colère…
Je sais que, quand je viens là-bas, je te fais de la peine, mais je m’en fais encore plus à moi en t’évitant, alors que je n’ai qu’une envie : te prendre dans mes bras…
Donc, si tu es d’accord, il faut que nous fixions un rendez-vous pour nous retrouver et nous expliquer.
Je t’embrasse.
David »
Yvette glissa la lettre dans sa poche et se hâta vers la porte pour fuir le regard interrogateur de la mère. Cette dernière ne dit rien mais, les lèvres serrées, la tête droite, elle se dirigea vers ses fourneaux, faisant ainsi comprendre à la jeune fille qu’elle savait à quoi s’en tenir sur ses relations.
Yvette réfléchit tout le reste de la matinée à la façon de rencontrer David. Une envie de sauter, de faire la folle, de rire sans raison s’emparait d’elle et elle avait du mal à se calmer. Elle rayonnait tant en arrivant à table que son père le remarqua :
« Alors, fillette, tu es bien joyeuse, aujourd’hui ! Qu’est-ce qui t’arrive ? »
La mère répondit à sa place :
« Oh, elle a reçu des nouvelles, ce matin, et apparemment, ce sont de bonnes nouvelles. »
Le père sourit puis, il s’arrêta, soudain, comme pris en faute, se souvenant qui était ce garçon.
Le dîner reprit en silence. Yvette laissait se dérouler le repas et malgré elle, son esprit revenait vers David : David riant aux éclats aux plaisanteries du groupe, David arrivant à vélo et se baissant pour retirer les pinces qui retenaient le fond de son pantalon, David grave et inquiet en évoquant sa famille. David, enfin, le regard traqué la dernière fois qu’ils s’étaient disputés…
« Tiens, voilà que tu rêves, maintenant, la secoua la mère, aide-moi un peu à desservir et rappelle-toi que Jacques arrive ce soir et qu’il faut s’occuper de sa chambre…
— Il faut qu’elle vienne m’aider, rétorqua le père. J’ai émondé un frêne et je n’arriverai pas à charger les fagots tout seul.
— Vas-y donc, je m’occuperai de tout, comme d’habitude, riposta la mère. »
Et Yvette suivit docilement son père, sans pouvoir cacher totalement cette joie qui sortait par toutes les fibres de sa peau, étonnée que les autres la remarquent si peu…
Ils marchèrent un moment en silence sous les arbres qui se paraient déjà de leurs couleurs d’automne ; puis, brusquement, le père obliqua à gauche et étonnée, Yvette s’aperçut qu’ils se dirigeaient vers le château. Son père la précédait, l’air songeur et, quand ils arrivèrent en vue de la bâtisse, il s’arrêta et la contempla longuement, sans parler…
Yvette, de plus en plus surprise, le rejoignit en évitant de faire craquer les branches, pour ne pas le troubler. Elle remarqua que la maison paraissait moins sinistre aujourd’hui, dans la douceur automnale du ciel. Les verts éteints des arbres s’harmonisaient avec la décrépitude des murs et la demeure en devenait seulement pitoyable et d’une tristesse infinie qui lui faisait monter les larmes aux yeux…
Le père parla alors d’une voix sourde en baissant le ton, comme s’il avait peur en parlant tout haut de réveiller de vieux fantômes.
« J’ai fait un détour par ici, Yvette, parce que je vois que toi et ce garçon, c’est sérieux. Je ne sais pas si tu es au courant de ce qui s’est réellement passé, mais il m’a semblé que tu savais quelque chose, alors je voudrais te dire… »
Il s’arrêta, visiblement embarrassé, et, se tournant vers elle, acheva d’un ton encore plus bas :
« Ce que je voulais te raconter, après tout, ce n’est rien d’autre que l’arrestation de la femme qui vivait ici et qui serait, d’après toi, la mère de ce garçon…
— Je sais, papa, qu’elle a été arrêtée, un matin, par la Gestapo. Ce que je ne sais pas, c’est pourquoi on a pu la découvrir, ici, si personne ne l’a
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