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la tondue

la tondue

Titel: la tondue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie de Palet
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dénoncée.
    — Qu’est-ce que tu t’imagines, tu crois qu’ils n’étaient pas au courant de tout ce qui se passait, même dans les petits villages comme le nôtre… Non, si tu penses que quelqu’un l’a dénoncée, tu fais fausse route. On ne mange pas de ce pain-là chez nous ! Nous, on ne s’abaisserait jamais à une telle saleté ! »
    Yvette se tut. Elle revit les mots biffés sur l’enveloppe de la boîte ; pauvre père ! Se voilait-il la face ou croyait-il vraiment à l’innocence de son épouse ? Elle ne pourrait jamais le savoir.
    « Ce que je voulais te dire, continua le père de plus en plus embarrassé, c’est que nous… on a eu… enfin, elle nous a laissés en dépôt quelques bricoles. Enfin, tu vois de quoi il peut s’agir…
    — De l’argent ?
    — Oui, un peu… Mais elle nous en devait et Clémence l’a pris… Et puis, tu sais ce que c’est, il en a fallu, pour acheter la ferme de Ségala. Ce n’était qu’un prêt. Tu peux me croire, on remboursera jusqu’au dernier sou…
    — Papa, tout ça, ce sont vos affaires. David est venu pour rechercher ses parents, l’argent… »
    Son père l’interrompit :
    « L’argent, ça compte énormément, ma fille. Et je dois t’avouer que j’ai des remords et que je ne peux m’en défaire… C’est peut-être idiot de ma part, mais j’avais toujours été juste et honnête. Ma sainte mère, que Dieu ait son âme, se retournerait dans sa tombe si elle savait que j’ai trempé dans cette combine !
    — Mais papa, cette histoire ne me regarde pas. Si tu veux t’en expliquer, c’est avec David qu’il te faut le faire…
    — Ah non ! Sûrement pas… Tu ne veux pas que j’aille raconter tout ça à un étranger ! Je n’aimerais même pas qu’il l’apprenne un jour. »
    Il cessa de contempler la maison, se retourna vers elle et lui sourit :
    « Je ne suis pas si sûr que toi, tu ne vas pas aller tout lui raconter.
    — Oh, papa, je te jure…
    — Ne jure pas, nigaude ! »
    Il redevint grave et continua : « Donc, j’ai de plus en plus de remords parce que je me suis servi de cet argent et que, du train où vont les choses, je vais devoir m’en servir encore, et qu’il me brûle les doigts…
    — Mais, papa, tu pourrais peut-être…
    — Non, je ne pourrai pas ! » la coupa-t-il brutalement.
    Et l’image de la mère s’interposa à l’esprit de la jeune fille.
    Le père continua plus calmement :
    « Quelquefois je me dis qu’un jour, je rembourserai, que ce n’est qu’un prêt… Mais je ne vois pas comment y parvenir. Il faut de plus en plus d’argent et, maintenant, ne voilà-t-il pas qu’on parle d’acheter autre chose ! »
    La colère faisait briller ses yeux et ses lèvres s’étaient rejointes en un simple trait plus sombre, dans son visage livide. Il continua, dans une espèce de rage froide où se mêlaient déception et rancune :
    « Ton frère n’a aucun sens du devoir. Il veut emprunter et emprunter encore… Il faudrait d’abord payer ce que nous devons ! Mais de cela, personne n’en parle jamais. On me traite même de gâteux si j’y fais allusion ! »
    Yvette n’osa demander qui était ce “on”, mais proposa à son père :
    « Tu as tort et raison à la fois. D’abord, est-ce que Jacques est au courant pour cet argent ? »
    Le père remua lentement la tête de gauche à droite, en un signe de dénégation, mais ne répondit pas.
    « Laisse-le agir à sa guise : travailler, emprunter, s’installer ; il en va de l’avenir de la ferme.
    — Oui, et s’il se casse la figure, qui est-ce qui va payer les frais ?
    — Mais arrête de le couver ainsi… Vous lui interdisez tout, et puis vous vous étonnez qu’il ne veuille pas rester ! »
    Son père la regarda, surpris et admiratif :
    « C’est vrai que toi, on ne t’avait pas tant ménagée. Tu pourrais nous en vouloir…
    — Pas du tout. Tout n’a pas été facile, mais je m’en suis assez bien tirée.
    — Si toi et ce garçon ça se précise, je vous donnerai la ferme de Ségala…
    — Laisse la ferme de Ségala à Jacques, il en a plus besoin que nous, et ne pense plus à tout ça.
    — Petite fille, bien que tu en aies envie, ne parle à personne de cette conversation. Il la regarda profondément et reprit : je dis bien, à personne ! »
    Yvette sourit, mais ne répondit rien.
    « Ce sera une bien grande punition, si tu épouses ce garçon, qu’il devienne mon gendre.

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