la tondue
David, j’ai si peur ! »
II parut alors se rendre compte de sa terreur et lui dit :
« Tu as peur ! Mais de quoi donc ? »
Comme elle restait silencieuse, il la contempla un moment, puis reprit d’un ton morne :
« Ah oui, je comprends. Tu te demandes si c’est ta famille… »
Elle l’interrompit, avec force :
« Non, pas ma famille, ma belle-mère seule…
— Tu te demandes si c’est ta belle-mère qui a dénoncé ma mère.. Je comprends, maintenant, tes dérobades et tes réticences… Je vois. »
Il s’avança dans la profondeur de la forêt et longtemps, demeura muet, perplexe…
« Je ne sais, je ne sais que te dire. Je n’avais pas pensé à une telle éventualité. »
Yvette le suivait, anxieuse. Elle reprit :
« Il se peut qu’elle n’y soit pour rien, mais…
— Allez, achève… Si tu penses ça, c’est que tu as des doutes, je dirai même que tu es persuadée de la culpabilité de ta belle-mère », répondit David d’un ton dur.
Elle se tut, seulement consciente du désespoir de David, qui croyait en elle et en même temps se sentait emporté par tout son passé. Tous ces gens qui, aujourd’hui, commandaient leur destin. Cela lui parut tellement injuste qu’elle ne put s’empêcher de crier sa révolte :
« Non, non, ce n’est pas juste, pas juste… On n’y est pour rien, nous ! »
David la regarda en silence et secoua la tête d’un air désabusé :
« Je sais ce que tu ressens. Mais, ce sont mes parents, je leur dois tout…
— Crois-tu que ta mère qui t’adorait aurait voulu…
— Ma mère est morte.
— C’est vrai, mais elle a tout fait pour que tu vives et que tu sois heureux. Est-ce que tu penses qu’elle me condamnerait, aujourd’hui, moi qui n’ai rien fait, qui suis une victime comme elle ? »
David hocha la tête en silence, puis la regardant intensément :
« Je viendrai voir le château, mais je te prendrai, après, pour aller visiter le camp de Rieucros, ou du moins ce qui en reste. Il y a longtemps que je voulais y aller, mais je n’ai jamais pu m’y décider. Avec toi, peut-être que j’oserai le faire. »
Plus tard, alors que les pierres roulaient sous leurs souliers et que la descente raide torturait leurs pieds endoloris, Jacques demanda à sa sœur :
« Alors, comment s’est passée cette mise au point ? » Yvette haussa les épaules :
« Je connais tout de sa vie… Et je comprends sa souffrance. »
Elle se tut un instant, incapable de raconter cette somme de douleurs et de désespoir qui avaient jalonné l’existence de David. Au bout d’un moment, elle reprit : « Il sait, pour maman. Pour le reste, je le lui dirai un jour, mais ce soir, je n’ai pas pu… Je n’ai pas pu ajouter encore un dernier coup, ç’aurait été trop cruel. » Jacques soupira et pressa le pas pour rattraper les autres, dont les ombres s’allongeaient en descendant vers la vallée…
XXIX
Le château
Il avait laissé son vélo appuyé à un arbre et ils avançaient, maintenant, en silence, vers ce “château” qu’il voulait connaître et où elle le menait, la gorge nouée et la peur au ventre… Allait-il reparler dénonciations, abus de confiance et amitié bafouée, comme il l’avait fait le jour du pèlerinage à Saint-Privat… Comme il avait été dur ! Et pourtant, en y réfléchissant, elle ne pouvait que comprendre ses réactions.
Les comprendre, oui ; mais elles lui saccageaient le cœur et réduisaient à néant tous ses projets, la laissant désemparée.
Depuis la mi-journée, des montagnes de nuages aux énormes tours blanches auréolées de lumière montaient de derrière les pins, du côté du causse. Le soleil s’acharnait à briller et versait, à pleins seaux, une chaleur moite qui ruisselait en sueur et mouillait la chemise de David.
L’orage, qui s’annonçait par le roulement encore lointain du tonnerre, exacerbait bêtes et gens : on entendait striduler les sauterelles, le long des chemins creux, tandis que les vaches, dans les champs, lançaient des coups de queue rageurs et, d’un bond, s’élançaient en courant pour fuir les piqûres des mouches.
Ils ne parlaient pas, chacun suivant le cours de ses pensées, quand un coup de tonnerre, plus violent, les fit sursauter.
Ils se regardèrent, inquiets, et Yvette risqua timidement :
« On y va ? On risque d’être trempés ! »
David haussa les épaules et répliqua :
« Dépêchons-nous, nous
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