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La Trahison Des Ombres

La Trahison Des Ombres

Titel: La Trahison Des Ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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l’importance. Tous les êtres vivants sur la terre de Dieu
finissaient leur vie dans un endroit comme celui-ci. Elizabeth, la fille du
charron, Sir Roger Chapeleys, tous dormaient d’un sommeil éternel.
    — Il fait froid, remarqua le magistrat.
    — Je n’ai pas trouvé Blidscote. Il se peut
qu’il ait trempé dans cette histoire.
    — J’en doute, rétorqua son maître.
    Il resserra sa chape autour de lui et enfila ses
gants. Il écouta le hululement solitaire d’un hibou dans les arbres à l’autre
bout du cimetière.
    — Je parie un tonneau de vin contre un
tonneau de vin, Ranulf, que le bailli est aussi mort que ceux qui gisent ici.
    — Seulement parce que je ne l’ai pas
retrouvé ?
    — Je ne suis pas sûr que nous y parvenions
un jour. Mais viens, Ranulf, je dois m’asseoir, réfléchir et faire des plans.
    Ils quittèrent le cimetière. Corbett contempla
le chemin désert, fantomatique sous le pâle clair de lune. Il eut envie de se
rendre chez grand-mère Crauford et chez Peterkin, mais c’est alors qu’il ouït
des voix. Des gens se dirigeaient vers l’église, la nouvelle s’étant répandue.
Il devait mettre de l’ordre dans ce qu’il avait appris.
    Ils regagnèrent l’auberge où mines maussades et
jurons non formulés les accueillirent. Le magistrat embrassa la grand-salle du
regard sans en tenir compte.
    — Qui voulez-vous voir ? s’enquit
Matthew le tavernier.
    — Maître Blidscote. Je suppose qu’il n’est
point venu ce soir ?
    — En effet, Sir Hugh.
    L’aubergiste lui jeta un coup d’œil rusé.
    — Mais tout le monde sait ce qui est arrivé
au vicaire. On vous nomme le Messager de la Mort.
    — Je ne le suis pas ! s’exclama
Corbett d’un ton sec. Maître tavernier...
    Mais il se ravisa et ravala ce qu’il allait
dire.
    — Si quelqu’un veut me voir, je serai dans
ma chambre.
    Ranulf resta en bas, bien décidé à ne pas se
laisser troubler par les regards noirs et l’hostilité qui fermentait dans la
grand-salle. Une fois monté, Corbett alluma une chandelle et prépara son
écritoire. Il prit un des morceaux de parchemin provenant de la chambre du
vicaire et examina l’esquisse du triptyque.
    — Je me demande... dit-il entre ses dents.
    Il lissa le dessin, sortit un bout de vélin et
commença à noter tout ce qu’il avait vu, entendu ou appris depuis son arrivée à
Melford : le premier après-midi dans la crypte, les conversations qui s’y
étaient tenues, les signes gribouillés sur la tombe, le morceau de parchemin
fixé au gibet. Il rédigea une liste de noms et, les étudiant un à un, se
remémora la mine et les paroles de chaque participant.
    Une heure passa. Ranulf entra mais le clerc
était si absorbé par sa tâche qu’il grommela seulement un bonsoir et retourna à
son travail. La grand-salle, en bas, se vida. Corbett s’étendit un moment,
pensif, tentant de comprendre chaque personne, chaque mort. Blidscote aurait pu
l’aider.
    — J’ai fait une erreur, murmura-t-il. J’aurais
dû l’interroger auparavant. Bon, de toute façon, il m’aurait menti.
    Il reprit ses écritures : peu à peu,
inéluctable, une hypothèse prenait corps.
    — Considérons un meurtre ; celui de
Deverell, par exemple, marmonna-t-il. Non.
    Il secoua la tête.
    Il inscrivit le nom de Molkyn. Molkyn le meunier ?
Un ivrogne, un rustre, effrayé par un verset du Lévitique ? Corbett était
à présent certain que deux assassins sévissaient à Melford et que Molkyn était
le lien entre eux. On l’avait tout spécialement élu membre du jury et, par
conséquent, on avait dû faire pression sur lui. Mais l’avait-on tué pour le
faire taire ? Ou exécuté pour le rôle qu’il avait joué dans le trépas de
Sir Roger ? Corbett souligna le mot « exécuté ». Il s’assit et
médita, à moitié assoupi. Il sombra dans un rêve et se réveilla en sursaut. Un
instant, il s’était revu dans le froid clocher austère avec cet effroyable
cadavre qui se balançait, pendu par le cou.
    Il se leva et s’aspergea le visage d’eau. Il
avait des soupçons mais qui pouvait l’aider ? Peterkin ? Il lui
faudrait attendre le matin. De toute façon, les choses allaient trop vite. L’hostilité
dans la grand-salle pouvait faire tache d’huile et, la nouvelle de la mort de
Bellen se répandant, les gens diraient que le meurtrier avait avoué et s’était
pendu. Alors pourquoi ce clerc au long nez allait-il fouiner dans les histoires
des

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