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La Trahison Des Ombres

La Trahison Des Ombres

Titel: La Trahison Des Ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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célébrerons la Toussaint. On prétend que, la veille, les
esprits des morts reviennent. Quand j’étais enfant, on allumait des feux, tout
un cercle de feux de joie autour du village, pour les écarter. Eh bien, les
spectres sont revenus à Melford pour le hanter, pour réclamer justice et
peut-être même vengeance. Nous n’avons point seulement affaire aux trahisons
des vivants, Ranulf, mais aussi à celles des fantômes. De vieux mensonges,
profondément incrustés, d’anciens péchés ranimés et suppurants. Il va falloir
être prudent. Il se peut que ce soit la dernière fois que je circule autour de
Melford sous le couvert des ténèbres.
    Il s’assit au bord de son lit.
    — Nous ferions mieux de dormir. Le matin
viendra bien assez tôt.
    Il souhaita une bonne nuit à ses compagnons et
les renvoya.
    Ranulf ramena Chanson à leur chambre, au bout de
la galerie qui dominait la cour de l’écurie.
    — Il est d’humeur sombre, déclara le
palefrenier lorsqu’ils s’installèrent pour la nuit.
    — Il est toujours d’humeur sombre, rétorqua
Ranulf, assis à la table et affairé à allumer des chandelles supplémentaires.
    — Tu ne te couches pas ?
    — J’ai une missive à rédiger, répondit
Ranulf avec fierté.
    Il ouvrit l’une des sacoches de bât, en sortit
un morceau de vélin, l’étendit sur la table, puis prit son écritoire portative,
ses plumes, sa corne à encre et sa pierre ponce. Il entendait le bavardage de
Chanson mais n’écoutait pas. Il voulait écrire à Alicia dans son lointain
couvent du Wiltshire. Ce serait la sixième lettre qu’il lui adressait et il n’avait
toujours pas obtenu de réponse. À chaque fois, il trouvait l’exercice plus
difficile. Lui écrivait-il parce qu’elle lui manquait ? Parce qu’il l’aimait
vraiment ? Ou parce qu’il se réjouissait de ses talents nouvellement
acquis ? Il était à présent maître en écriture cursive, en phrases
élégantes : Ranulf avait la passion de l’étude. Il serait un jour clerc
principal de la chancellerie du Sceau privé.
    Il traça : « Ma très chère Alicia »,
puis s’interrompit. Parviendrait-il à être clerc principal ? Il sourit
sous cape devant son ambition secrète : entrer dans les ordres sacrés !
Et pourquoi pas ? Il appartenait au roi, n’est-ce pas ? De temps à
autre, le vieil Édouard, à Westminster, l’entraînait à l’écart par le bras
comme si Ranulf était l’un de ses bons compagnons. Le roi lui faisait part de
ses peines et de ses soucis, couvrait
    Ranulf de louanges et de promesses d’avenir. C’était
la seule partie de sa vie que Ranulf ne partageait jamais avec Corbett.
Pourtant, parfois, et plus souvent à présent qu’auparavant, le magistrat,
immobile sur sa chaire, l’observait. Était-ce moquerie ? cynisme ?
tristesse ?
    Ranulf soupira. Il envoya Chanson se coucher et
reprit sa lettre.
    Dans sa chambre, Corbett était allongé sur le
lit, mains à plat, et regardait à travers les ténèbres le baldaquin brodé. Le
vent agitait les volets. Des bruits lointains montaient de la taverne se
préparant à la nuit. Des images lui traversaient l’esprit : Maeve à sa toilette
du soir ; le petit Édouard, potelé et rose, qui ronflait doucement dans
son berceau, bien à l’abri des courants d’air ; oncle Morgan, en bas,
occupé à gourmander les serviteurs. Corbett oublia tout cela. Il se trouvait à
Falmer Lane, à Devil’s Oak. Il surveillait une jouvencelle se glissant à
travers la prairie vers un boqueteau en haut de la colline. Le Momeur ou le
tueur aux jets devait attendre.
    — Les cloches ! murmura-t-il. Ce n’était
pas des jets. Le Momeur portait un masque avec des clochettes de chaque côté. Alors
qui ferait ça ? Et pourquoi ?
    Quelques rues plus loin, Ysabeau, l’épouse de
Deverell le charpentier, se souciait aussi des horribles crimes qui avaient eu
lieu dans la campagne. Étendue sur sa couche, elle scrutait les ténèbres et
tendait l’oreille pour ouïr les bruits, en bas. Depuis le procès de Sir Roger,
tout avait changé ! Deverell, homme déjà renfrogné, n’était que plus
morose et renfermé. Il n’avait jamais parlé de son témoignage mais, quand on l’interrogeait,
le ressassait mécaniquement comme un chanteur 1 narrant un conte. Son mari avait-il dit la vérité ? Pourquoi avait-il
affirmé avec tant de force qu’il avait aperçu Sir Roger ce soir-là ? Elle
n’arrivait pas à comprendre le désespoir

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