La traque d'Eichmann
la voiture, ne répondit rien. Il se contentait de respirer bruyamment. Enfin, trois minutes plus tard, il déclara dans un allemand parfait : « Je me suis déjà résigné à mon sort. »
Il ne leur en fallait pas davantage. Leur prisonnier se portait bien. L’allemand était sa langue maternelle et, s’il acceptait son sort, c’est qu’il connaissait la raison de son enlèvement. Il avait presque fait l’aveu de son identité.
Eitan saisit Malkin par la main et le félicita pour la capture. Malkin, soulagé, se détendait dans son siège. L’opération ne s’était certes pas déroulée sans anicroches, mais ils avaient fini par embarquer Eichmann dans la voiture sans lui faire aucun mal. Il ne restait plus qu’à rentrer à la planque sans se faire prendre.
À 1,5 kilomètre de la rue Garibaldi, Shalom tourna dans un sentier de terre qui croisait la route 202 et s’arrêta près d’un bosquet. Aharoni le suivit au volant de la limousine. Tabor et Gat, bondissant de leurs véhicules respectifs, remplacèrent les plaques d’immatriculation argentines par des plaques diplomatiques de couleur bleue. Chacun d’eux avait un passeport diplomatique autrichien à présenter à la police, en cas de barrage routier, mais il y avait peu de chances qu’on arrête une voiture du corps diplomatique.
Moins d’une minute plus tard, les deux voitures avaient repris la route et suivaient le trajet établi par Shalom au terme de deux semaines de repérages. Roulant juste au-dessous de la vitesse autorisée, ils veillaient à respecter le code de la route et à éviter tout accident. Eichmann restait silencieux. Parvenus à la moitié du chemin environ, ils arrivèrent devant l’un des deux passages à niveau qui se trouvaient sur la route de Tira. Une lumière rouge se mit à clignoter pendant que la barrière s’abaissait. L’attente était assez longue, une dizaine de minutes, mais il n’y avait aucun moyen de contourner la voie ferrée.
Derrière eux, la file des automobiles ne cessait de s’allonger. Aharoni répéta au prisonnier qu’il serait abattu au moindre cri. Toujours immobile sous la couverture, Eichmann avait repris son souffle. Dans la limousine, les quatre Israéliens s’efforçaient tant bien que mal de prendre un air dégagé. Plusieurs conducteurs étaient sortis de leur véhicule pour patienter ; certains fumaient une cigarette en attendant le passage du train. Par les portières ouvertes s’échappait une musique radiodiffusée. L’orage qui avait donné tant de signes annonciateurs s’éloigna sans avoir éclaté.
Enfin le train se mit à défiler devant eux, puis les barrières se levèrent à nouveau. La circulation reprit lentement de part et d’autre. Shalom démarra à son tour, suivi de près par la limousine. Ils franchirent le second passage à niveau sans encombre. Dix minutes avant Tira, Shalom se trompa de route tandis qu’Aharoni empruntait le trajet prévu. Il fit demi-tour et put rejoindre la seconde voiture rapidement. Cinq minutes plus tard, on dut à nouveau s’arrêter sur un chemin à l’écart pour remplacer les plaques diplomatiques par un nouveau jeu de plaques argentines.
Alors qu’ils approchaient de la planque, Eitan se mit à réciter le Chant des partisans écrit par un résistant juif de Vilnius pendant la Seconde Guerre mondiale :
Ne dis jamais que c’est la fin, même s i
Des nuages de plomb cachent le bleu du ciel -
Car elle est proche, l’heure tant attendu e
Et le bruit de nos pas martèle : « Nous voici dliii ! »
À 20 h 55, les deux voitures arrivèrent devant Tira. Medad était déjà sur place, prêt à ouvrir le portail. Aharoni pilota la limousine jusqu’à l’intérieur du garage, dont la porte fut refermée derrière lui. Adolf Eichmann était désormais prisonnier du peuple hébreu.
21
Eichmann pénétra dans la villa en traînant des pieds, encadré par Shalom et Malkin dliv . Toute l’équipe l’entourait quand il fut conduit à travers la cuisine, puis à l’étage et jusque dans sa cellule. Pas un mot ne fut prononcé. Seul Aharoni était autorisé à lui parler, mais l’interrogateur restait silencieux comme les autres. Tous vinrent se tasser dans la petite pièce garnie d’un lit, de deux chaises en bois et d’une table. Une ampoule nue pendait du plafond.
Eichmann resta un long moment au milieu de la pièce, laissant les agents du Mossad l’observer de près pour la première fois dlv . La lutte
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