La traque d'Eichmann
les dents. Pour lancer des recherches approfondies, il lui faudrait préciser que Ricardo Klement était en réalité Adolf Eichmann. Vera et ses fils ne manqueraient sans doute pas de faire la tournée des hôpitaux et, avant de révéler l’identité d’Eichmann, ils appelleraient d’abord son employeur. Harel et son équipe du Mossad disposaient donc de deux ou trois jours, voire davantage, avant qu’une véritable enquête soit ordonnée. En revanche, ils ne pouvaient exclure la possibilité d’une traque menée par les fils d’Eichmann ou par ses camarades nazis de la communauté allemande.
Mais ce n’étaient là que de vaines conjectures. Harel regarda les aiguilles de sa montre, plus impatient à chaque minute de savoir ce qui s’était passé rue Garibaldi dli .
Le bus 203 s’arrêta devant le kiosque dans un crissement de freins dlii .
Shalom avait déjà repris place au volant de la voiture, prêt à démarrer le moteur et à allumer les phares. Gat occupait le siège du passager. Tabor se posta de nouveau devant la limousine, feignant d’observer le moteur. Aharoni observait la scène à la jumelle, tandis que Malkin et Eitan fixaient l’arrêt de bus sans parvenir à distinguer Eichmann.
Deux personnes descendirent du véhicule. La première était la femme potelée qui arrivait d’ordinaire en même temps qu’Eichmann à 19 h 40. Comme d’habitude, elle partit sur la droite, s’éloignant de la rue Garibaldi. Le second passager était manifestement un homme, mais, même avec ses jumelles, Aharoni ne pouvait affirmer qu’il s’agissait bien de leur cible. Le bus redémarra en direction du remblai et dépassa la Chevrolet.
L’homme se dirigeait vers la rue Garibaldi.
« Quelqu’un vient, murmura Aharoni à Eitan, mais je ne vois pas qui c’est. »
Eitan tenta de percer l’obscurité, mais sa vision nocturne avait baissé depuis l’époque où il observait les armées arabes en pleine nuit ; il ne distinguait plus rien dans les ténèbres.
Shalom alluma brièvement ses phares, et tous surent aussitôt que la silhouette qui avançait vers eux était bien celle d’Eichmann. Sa façon de marcher était reconnaissable entre toutes, avec une détermination que soulignait encore son torse penché en avant. Curieusement, il ne portait pas ce soir-là la lampe torche qui lui permettait, à la nuit tombée, de signaler sa présence aux voitures qu’il croisait.
« C’est lui », lâcha Aharoni.
Eitan se sentit comme électrisé par ces mots. Il jeta un œil vers Malkin et Tabor pour vérifier qu’ils étaient prêts, et se mit en position de bondir hors de la voiture pour le cas où il faudrait leur prêter main-forte.
Alors qu’Eichmann continuait à se rapprocher de la rue Garibaldi, Aharoni le vit glisser une main dans la poche droite de son imperméable. Il songea aussitôt que leur cible avait flairé un piège et se munissait d’un pistolet.
« Il est peut-être armé, souffla Aharoni ; faut-il prévenir Peter ?
— Oui, dis-lui de surveiller la main. »
Malkin était occupé à compter les pas d’Eichmann, car il voulait l’aborder à une distance précise de la limousine. Un éclair zébra soudain le ciel ; si l’orage se rapprochait encore, songea Malkin, le prochain éclair permettrait à Eichmann de le repérer. Il s’avança légèrement alors que retentissait un coup de tonnerre. Si Eichmann se lançait à travers champs pour s’enfuir, Malkin était sûr de le rattraper bien avant qu’il ait atteint sa maison.
L’homme n’était plus qu’à une trentaine de mètres à présent.
Au moment où Malkin passait devant la portière du conducteur de la limousine, Aharoni leva la main en murmurant : « Peter, il a une main dans la poche. Attention, il est peut-être armé. »
Malkin sursauta : personne n’était censé lui parler pendant l’opération. Et il aurait préféré se passer d’une pareille mise en garde : il avait répété chaque geste mille fois sans qu’il soit jamais fait mention d’une arme. Ça changeait tout, se dit-il.
Eichmann tourna à l’angle de la rue. Plus que 15 mètres.
Malkin entendit ses pas et le vit se pencher contre le vent pour avancer, le col relevé, la main droite enfouie dans une poche.
Eichmann jeta un œil sur la limousine quand Aharoni remit le moteur en marche, mais il ne ralentit pas son allure.
Malkin continuait d’avancer. Il savait qu’il lui faudrait maintenant agripper Eichmann
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