La traque d'Eichmann
d’une autre manière, qu’il fallait improviser, en veillant par-dessus tout à l’empêcher d’utiliser son arme – à supposer qu’il en ait une.
Cinq mètres.
Malkin se plaça en travers de sa route, l’obligeant à ralentir. « Un momentito, senor », bredouilla-t-il. Il plongea ses yeux dans ceux d’Eichmann, écarquillés sous l’effet de la panique. Soudain, le nazi recula. Il allait prendre la fuite.
Sans hésiter, Malkin bondit en avant, la main tendue pour maintenir le bras droit d’Eichmann contre son corps. Emportés par son élan et par la reculade d’Eichmann, les deux hommes roulèrent au sol. Malkin empoigna son adversaire tout en se laissant rouler avec lui dans le petit fossé boueux qui bordait la route. Il se retrouva sur le dos, sans avoir lâché le bras droit d’Eichmann et tout en serrant sa gorge pour l’empêcher d’appeler à l’aide. Le nazi, qui se débattait et donnait des coups de pied pour se libérer, parvint à extraire sa gorge de la poigne de Malkin. Il commença alors à crier de toutes ses forces.
Aharoni fit vrombir le moteur pour couvrir ces hurlements. De son côté, Tabor s’avança vers le fossé pour apporter de l’aide à Malkin. Eitan surgit de la voiture. Eichmann continuait à glapir. Sa maison n’était qu’à une trentaine de mètres : il pouvait donc être entendu par une personne postée à l’extérieur, voire à l’intérieur si une fenêtre était ouverte. Il fallait le faire taire et l’embarquer sans attendre. Quand Tabor atteignit le fossé, il vit Eichmann prendre appui de ses pieds contre la paroi du talus pour repousser son adversaire, qui le maintenait par-derrière. Plus Eichmann criait, plus Malkin resserrait sa prise.
Tabor saisit les jambes d’Eichmann, lui ôtant son dernier moyen de résister. Le nazi relâcha ses muscles et cessa de crier : il se rendait. Malkin se redressa et, avec l’aide de Tabor, il transporta le captif hors du fossé jusqu’à la limousine.
Shalom, Gat et le médecin attendaient toujours sur la route 202, rongés par l’incertitude. En tournant dans la rue Garibaldi, Eichmann avait disparu de leur champ de vision. Puis ils avaient entendu crier. Et maintenant le silence s’était installé. Les secondes s’écoulaient, aussi longues que des heures. Il n’était pas question de se mettre en route avant la limousine.
Eitan aida Malkin et Tabor à installer Eichmann sur la banquette arrière. Tabor alla fermer le coffre tandis que Malkin maintenait sa main gantée contre la bouche du prisonnier ; Eitan lui enfila des lunettes de motocycliste recouvertes de ruban adhésif. Dès que Tabor eut pris place sur le siège du passager, Aharoni mit le moteur en marche. Depuis le moment où Malkin avait posé la main sur Eichmann, il s’était écoulé en tout et pour tout vingt-cinq secondes.
Aharoni tourna sur la gauche au bout de la rue pendant que les autres ligotaient les mains et les pieds d’Eichmann, le plaquaient à leurs pieds et le recouvraient d’une épaisse couverture en laine. Ayant fouillé dans la poche de son imperméable à la recherche d’un pistolet, ils trouvèrent une simple lampe torche.
La maison des Eichmann se trouvait maintenant à plus de 100 mètres derrière eux. D’une voix forte, Aharoni dit en allemand : « Ne bouge pas, et il ne t’arrivera rien. Si tu résistes, on t’abat. C’est bien compris ? »
Malkin écarta sa main de la bouche du captif, mais celui-ci ne prononça aucun mot.
« Si tu résistes, on t’abat. C’est bien compris ? »
Toujours pas de réaction. Il s’était peut-être évanoui.
Aharoni continua sa route vers l’est, alors même que Tira se trouvait au sud-ouest de Buenos Aires : si un voisin les avait repérés, il enverrait ainsi la police dans une mauvaise direction. S’étant retourné, Eitan chercha vainement derrière eux la seconde voiture.
« Où sont-ils passés ? » demanda Malkin.
Quelques secondes plus tard, des phares apparurent enfin. Alors qu’il dépassait la limousine, Shalom se tourna vers son conducteur et obtint le message espéré : un pouce levé vers le ciel. Ils avaient réussi. Pleinement rassuré, il fit accélérer la Chevrolet et prit la tête du convoi.
Aharoni, qui roulait maintenant à une centaine de mètres de la Chevrolet, s’adressa de nouveau à leur prisonnier, cette fois en espagnol : « Quelle langue parles-tu ? »
Celui-ci, parfaitement immobile sur le plancher de
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