La Traque des Bannis
conclut Malcolm.
— Che sarà, sarà , répliqua Bacari.
— Que dit-il ? demanda aussitôt Horace en avançant d’un pas.
— « Advienne que pourra », traduisit le guérisseur. À l’évidence, cet individu est un philosophe. Parle la lingua franca, Bacari, poursuivit-il. C’est mon dernier avertissement. Sinon, mon ami te tranchera les oreilles et te les fera avaler de force.
Malcolm s’était adressé à lui d’un ton doucereux, en rivant ses yeux sur lui. La menace n’en fut que plus effrayante. Bacari baissa le regard.
— D’accord, grommela-t-il.
— Bien, dit le guérisseur en hochant la tête à plusieurs reprises. Tant que nous nous comprenons, c’est l’essentiel.
Il remarqua que le carquois de l’homme était resté accroché à sa ceinture. Will s’était contenté de lui passer les mains dans le dos et de lui ligoter les pouces avec une lanière de cuir, serrée à l’aide d’un petit bloc de bois, ce qui empêchait le Génovésien d’atteindre ses carreaux. Malcolm se pencha vers lui. D’instinct, Bacari essaya de s’écarter, croyant qu’il allait recevoir un autre coup, mais se détendit en voyant le guérisseur s’emparer délicatement d’un des traits afin de l’examiner.
À la vue de la substance gluante, décolorée, qui recouvrait la pointe d’acier du carreau, Malcolm fronça les sourcils.
— Oui, c’est en effet du poison, murmura-t-il avec dégoût. Nous avons simplement besoin de savoir quelle variété d’aconit tu as employée. À fleurs jaunes ou bleues ?
Bacari porta son regard sur le malade, allongé à quelques mètres de là, puis sur la silhouette hostile d’Horace et enfin sur le jeune Rôdeur qui, un peu plus loin, observait la scène en silence. Il perçut la tension qui planait dans le bosquet et devina l’attente qui se lisait sur les visages des deux jeunes gens. En dépit de leurs menaces, le Génovésien saisit d’instinct qu’ils ne l’assassineraient pas de sang-froid. Peut-être le frapperaient-ils encore, mais il était capable de supporter leurs coups. Dans le feu du combat, il savait que les deux garçons auraient été capables de le tuer sans hésitation. Mais ici, alors qu’il était pieds et poings liés ? Jamais ils n’auraient agi de la sorte.
Bacari réprima un sourire. Il était un excellent juge du caractère. S’ils s’étaient retrouvés dans sa situation, il les aurait tués sans le moindre scrupule. Il possédait l’aplomb et la cruauté nécessaires pour commettre de tels actes. Aussi pouvait-il déceler que ces qualités manquaient à ses adversaires.
À présent sûr de lui, il se tourna vers Malcolm et le sourire qu’il avait jusqu’alors dissimulé réapparut sur ses lèvres.
— J’ai oublié, répondit-il.
Bacari entendit derrière lui un bruit de pas précipités, mais il se tourna trop tard : le jeune Rôdeur se jeta sur lui avant qu’il ait le temps de s’écarter. Il sentit des mains s’emparer de son gilet et le contraindre à se lever. Le visage du garçon était tout près du sien. Livide, à bout de forces, les yeux injectés de sang, Will éprouvait cependant tant de haine pour le Génovésien qu’il était animé d’une énergie nouvelle.
Malcolm chercha à s’interposer, mais le Rôdeur, qui secouait Bacari comme un prunier, se mit à hurler :
— Tu as oublié ? Oublié ?
Il le repoussa avec violence. L’homme trébucha et s’écroula sur le sol en poussant un gémissement. Will le saisit et l’obligea à se redresser.
— Tu as intérêt à t’en souvenir ! cria le jeune Rôdeur avant de le jeter encore une fois à terre.
Le Génovésien tomba si près du feu qu’il sentit des braises traverser sa manche et lui brûler le bras. Il laissa échapper un cri de douleur.
— Will ! voulut intervenir Malcolm.
Le Rôdeur l’écarta d’un geste et attrapa Bacari par les chevilles pour le traîner à l’écart des flammes. L’homme essaya de lui décocherun coup de pied, mais Will esquiva sans mal la tentative maladroite et donna un bon coup de botte dans la cuisse du Génovésien.
— Arrête un peu, Will ! lança Malcolm, voyant que la situation s’aggravait.
Le Rôdeur, mentalement et physiquement épuisé, n’avait plus les idées claires. Il était sur le point de commettre une terrible erreur.
Au même instant, Will porta la main au pommeau de son grand couteau. De l’autre, il força Bacari à se redresser et à le regarder droit dans les yeux. Ce dernier
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